Intérieur de village en Orient (Fontaine à Alger?)

Charles Marie PALIANTI
avant 1872
31,1 x 48,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Marcel Chevalier de Saint-Robert en 1889

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Charles Marie Palianti est presque un inconnu, un de ces artistes n’ayant jamais fait l’objet de la moindre étude et dont aucune biographie, même ancienne, n’existe. Pourtant, cet aquarelliste de talent a produit un nombre considérable de paysages qui passent régulièrement en vente : intérieurs d’église, cloître espagnol à l’atmosphère mystérieuse, marché ibérique gorgé de soleil, conversation dans une forêt sombre voisinent avec des thèmes orientalistes comme Le Café arabe ou Le Repos au pied de l’escalier[1]. La consultation de ses actes d’état civil nous apprend que Charles Palianti naît à Barcelone en 1815 dans la famille d’un joaillier d’origine italienne. Venu en France à l’âge de cinq ans, il fait à Paris et à Nancy une carrière d’artiste catalan jusqu’ à sa naturalisation tardive en 1891, quatre ans avant sa mort. Son nom apparaît dans les catalogues du Salon à partir de 1869 et ce jusqu’en 1884, dans la section Dessins, avec des aquarelles des Vosges, de Moselle ou encore de Saint-Ouen, Nancy, Nemours, Arras ou Autun. L’année 1870 est la seule où il présente aussi deux peintures, Vue prise dans la vallée de la Moselle et Vue du château de Jouy (Moselle), effet du matin. Enfin, la vente de vingt-deux aquarelles en 1879 nous informe que Palianti a aussi voyagé en Italie, au Caire et en Algérie[2]. Ces différentes sources nous permettent de suivre, sans pouvoir les dater, ses déplacements dans un grand nombre de régions, en France et à l’étranger. Le catalogue du musée d’Auxerre en 1872 – où figure une très belle aquarelle Environs d’Interlaken en Suisse – est le seul document où sont évoqués la formation et le parcours artistique de Palianti. On y apprend qu’il est élève de Ciceri père, alors peintre décorateur à L’Opéra. Une fois installé à son propre compte, il travaille à la décoration de plusieurs théâtres de Paris. « Plus tard, toujours entraîné par sa passion dominante pour la peinture de paysage, il étudia avec Charlet, puis avec Jules Dupré et enfin n’eût plus pour maître que la nature[3]». À ces informations recueillies du vivant de l’artiste, s’ajoute la mention « élève de Corot » dans les catalogues de Salon à partir de 1879. Cette très belle aquarelle du musée de Grenoble, entrée grâce au legs de Marcel Chevalier de Saint-Robert en 1882 en même temps qu’un Paysage _ (MG 885), est très probablement la _Fontaine à Alger citée par le musée d’Auxerre parmi les productions connues de l’artiste. Dans la lumière puissante et crue de l’été oriental, un cavalier vient s’abreuver dans une belle fontaine architecturée, typique de la capitale algérienne qui en compte encore plus de soixante-dix en 1843. Lieux de passage et de sociabilité – on s’y désaltère, on s’y retrouve pour laver le linge et palabrer à l’ombre des arbres, on y joue quand on est enfant – ces fontaines sont de véritables monuments de pierre blanche, ornés souvent d’arcades, d’arabesques et de zelliges, des havres de fraîcheur dans un climat particulièrement torride. Les frères Goncourt, lors de leur périple à Alger en 1849, s’émerveillent de ces architectures élégantes, « gracieuses fontaines entourées de légères colonnettes à fond de mosaïque. Un placage de tuiles vernissées, aux savantes combinaisons linéaires, détache ses arabesques bleues, jaunes, vertes, d’un encastrement de murailles blanches »[4]. Palianti, dont les aquarelles baignent le plus souvent dans une atmosphère liquide, romantique, mystérieuse, excelle ici à rendre la chaleur qui écrase les architectures et les êtres, l’éclat d’un ciel d’une incroyable pureté ou la fraîcheur bienvenue de l’ombre d’un feuillage vert et touffu. Quelques éclats de gouache soulignent la blancheur immaculée de la robe du cheval et des burnous. Cette aquarelle a pu être achetée par le chevalier de Saint-Robert à la vente de 1879[5]. Elle pourrait en effet correspondre à la Vue d’Algérie, listée sous le n°69, quand le Paysage (MG 885 ) pourrait être identifié comme Bords d’étang (n°66).


[1] Charles Palianti, Le Café arabe, aquarelle, 20 x 13 cm, Vente Europ Auction, Paris, vente du 20 mai 2011, lot 3 ; Le repos au pied de l’escalier, aquarelle, 39 x 26 cm, Vente Paris, 12 juin 2007, lot 408.
[2] Vente du Samedi 29 novembre 1879, Hôtel Drouot, 22 Aquarelles par Palianti, Paris, 1879, p.3-4.
[3] Catalogue du musée d’Auxerre, Troisième section, Beaux-Arts, Auxerre, 1872 (B. Passepont, peintre et professeur de dessin, intr.), p. 82.
[4] Edmond et Jules de Goncourt, « Alger, notes au crayon, Jeudi 8 novembre [1849] », Pages retrouvées, Paris, 1886, p. 270.
[5] cf. note 2.

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