Concetto spaziale (51/52 B9)

Lucio FONTANA
1950
Huile sur papier marouflé sur toile
79,8 x 79,8 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de Teresita Fontana au Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle en 1979.
Dépôt au Musée de Grenoble en 1989.

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[Catalogue de l'exposition Italia moderna. La collection d'art moderne et contemporain italien du musée de Grenoble, 19 mai-4 juillet 2021]

Né à Rosario (Argentine) d’un père italien et d’une mère argentine, Lucio Fontana partage ses jeunes années entre la Lombardie et son pays natal. Étudiant à l’École spéciale du bâtiment de Milan entre 1914 et 1917, il poursuit sa formation à l’Académie de la Brera de 1920 à 1922. Durant cette période, proche des artistes de la Galleria Il Milione, il montre une réelle fascination pour la sculpture futuriste d’un Umberto Boccioni. L’apport théorique incontournable du sculpteur, comme les réflexions des futuristes sur le mouvement, le temps et l’espace, nourriront sa propre création. Avant de partir pour l’Argentine en 1928, Fontana fonde à Milan le groupe des Abstraits italiens. En 1930, il réalise ses premières sculptures en céramique vernissée, influencées par son travail dans l’entreprise familiale de sculpture commémorative. En 1935, membre du mouvement Abstraction-Création (1935), l’artiste fait la connaissance de Joan Miró, Tristan Tzara et Constantin Brancusi. Mais c’est la fondation du spatialisme, en 1946, qui marque une réelle césure dans son oeuvre, rompant définitivement avec ses années de jeunesse. Le Manifiesto Blanco (1946) témoigne de la radicalité de son programme utopique : « Nous sommes entrés dans l’ère spatiale […]. Avec ses inventions, l’homme a depuis une centaine d’années engagé l’humanité vers l’impossible. » Puisant tant du côté de l’art baroque que du futurisme, Fontana baptise dès lors toutes ses oeuvres Concetto spaziale [Concept spatial]. En 1948, il exprime ainsi les fondements de la poétique spatialiste : « Nous voulons que le tableau sorte de son cadre et que la sculpture quitte sa cloche de verre. »

C’est en 1949 que Fontana commence à travailler aux Buchi *[Béances]. Les *Buchi ne font plus de la toile un écran. En la trouant à coups de poinçon, l’artiste outrepasse les limites strictes du tableau. Il est ici question de geste créateur, de maïeutique, de recherche matiériste et de spatialité infinie. Avec Concetto spaziale (51/52/B9), Fontana a d’abord recouvert la toile de couleur blanche avant de la perforer. Le dessin des perforations teintées de brun et de rouge a l’allure d’une constellation énigmatique. Peu à peu, le geste de l’artiste, répété et obsessionnel dans ces productions, devient performatif. Aux Buchi succèderont, dès 1958, dans l’oeuvre du peintre, les Tagli [Incisions] et les Attese [Fentes]. Pratique en creux, l’oeuvre de Fontana érige le négatif, la coupure et le vide en rupture épistémologique ; elle s’envisage comme une métaphysique aux ressorts eschatologiques. « Bien au-delà des perforations nous attend une liberté nouvelle gagnée mais nous attend aussi, avec autant d’évidence, la fin de l’art. » Inspiré par certaines avancées de la sculpture moderniste, l’art de Fontana, par-delà son caractère révolutionnaire et sa dimension spirituelle, ouvrira la voie à bien des recherches, de l’art in situ, aux expériences de l’art minimal et de l’Arte Povera.

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