La Seine à Argenteuil

Fin 1871, Monet s’établit avec sa famille à Argenteuil où il restera jusqu’en 1878, souvent rejoint par Manet, Renoir et Sisley. Lieu de détente favori des plaisanciers au nord-ouest de Paris, la commune est réputée pour ses activités nautiques. Reliée à la capitale par le train, elle attire chaque dimanche les amateurs de voile et de canotage ainsi que de nombreux promeneurs. Le spectacle des embarcations sur l’eau est un thème privilégié de Monet : la moitié des cent quatre-vingts toiles peintes au cours de ces années représente les bords de Seine. Témoin de la modernisation des environs de Paris, l’artiste peint aussi le pont routier, le pont de chemin de fer et la gare d’Argenteuil. Dans La Seine à Argenteuil, il élimine tout signe de modernisation : les cheminées d’usines sont absentes, seule l’église dresse son clocher, presque au centre de la composition. Monet réalise un paysage à l’horizon bas, composé d’arbres à mi-distance, de bâtiments en arrière-plan et de reflets dans l’eau. Cette perspective convient parfaitement à la représentation d’un espace rempli de lumière, largement dédié au ciel, ouvert et accessible comme en témoigne la présence du sentier et du talus au premier plan. Le village d’Argenteuil est vu du petit bras de la Seine, depuis la rive de Colombes, avec l’île Marante à gauche. Monet décrit une journée calme et ensoleillée à l’aide d’une palette claire et lumineuse composée de roses, de mauves, de bleus et de verts variés. Il exalte le caractère bucolique d’un site somme toute assez banal. La touche fractionnée, maigre ou épaisse, et la matière fluctuante décrivent diversement l’herbe au premier plan, le feuillage des peupliers, les façades des maisons, les reflets dans l’eau ou encore le ciel traversé de nuages. Peinte un an avant la première exposition du groupe, cette œuvre accomplie illustre brillamment la « période d’Argenteuil » qui constitue l’apogée de l’impressionnisme.