Paysage avec mare et deux canards

Paul BRIL (entourage de)
vers 1623
21,9 x 32,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3562, n°2224)

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Paysagiste d’origine anversoise, Paul Bril est documenté à Rome à partir de 1582. Comme son frère Matthias, qui meurt prématurément en 1583, il travaille pour le pape et pour de nombreuses grandes familles romaines. Dès le début du XVIe siècle, les peintres flamands jouissent en Italie d’une grande réputation en tant que paysagistes. Les frères Bril figurent parmi les artistes nordiques qui s’installent durablement dans le pays, afin de satisfaire de grandes commandes dans ce genre, notamment dans le domaine du décor mural. L’importance de Paul Bril est double : sous l’influence d’Adam Elsheimer et d’Annibale Carracci, il peint et dessine dès le début du XVIIe siècle des paysages plus équilibrés, plus poétiques et il abandonne progressivement les massifs rocheux fantasmagoriques et l’amour excessif du détail. C’est lui qui forme des artistes comme Willem van Nieulandt, puis Poelenburgh et Breenbergh. Ainsi prépare-t-il la nouvelle génération de peintres hollandais qui se consacrent aux paysages italianisants. Ses excellentes relations avec les familles romaines ont grandement aidé les jeunes artistes talentueux auxquels il prodiguait ses conseils, favorisant ainsi leur réussite dans la capitale artistique de l’Europe.
Le paysage de Grenoble est une oeuvre réalisée dans son entourage, sans doute due à un artiste nordique. Une feuille conservée au Louvre, une Gorge rocheuse avec un cours d’eau, se prête bien à la comparaison[1]. Daté de 1623, ce dessin à la pierre noire et au lavis nous permet de dater approximativement la feuille de Grenoble même si cette dernière est de qualité supérieure. L’artiste s’exerce ici à fondre le premier plan, le plan médian et l’arrière-plan afin de donner une vision plus cohérente et unifiée. Ainsi dessine-t-il un cours d’eau au centre de la composition et un pont qui crée la liaison entre les deux rives. Un arbre pittoresque attire l’oeil du spectateur dont le regard glisse ensuite sur le tronc d’arbre tombé dans l’eau avant d’atteindre le centre ensoleillé où l’on distingue deux promeneurs et où s’envolent deux canards. La comparaison avec un autre paysage de Bril réalisé au pinceau et au lavis, conservé à Manchester[2] et daté de 1614, montre le chemin parcouru par l’artiste pendant ses dernières années. Il abandonne les vues traditionnelles de montagnes aux pentes abruptes pour des paysages plus plats et vallonnés.
En guidant l’oeil du spectateur pour qu’il puisse « voyager » par les yeux, l’enchantant avec de vieux arbres, des eaux limpides et des montagnes qui se profilent à l’horizon, Bril fait progressivement évoluer la tradition du paysage flamand en Italie et encourage les jeunes artistes à le suivre dans cette voie pour aller vers davantage de « naturel ».


[1] Musée du Louvre, Inv. no 19.801, voir Ruby, n° 98, repr.
[2] Whitworth Art Gallery, Inv. no D/20/1936, voir Ruby, 1999, n° 78, repr.

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