Songe de Saint Joseph

Jean-Honoré FRAGONARD
XVIIIe siècle
23,3 x 14,1 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don d'un souscripteur anonyme en l'an IX (1801)

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L’ange du Seigneur s’adressa par deux fois en songe à saint Joseph. La première fois, ce fut pour lui demander de ne pas chasser la Vierge Marie, enceinte des œuvres de l’Esprit Saint : « Joseph, son mari, qui était juste et ne voulait pas la diffamer, se proposa de la répudier secrètement. Comme il était dans cette pensée, voici qu'un ange du Seigneur lui apparut en songe, et lui dit : « Joseph, fils de David, ne craint point de prendre chez toi Marie ton épouse, car ce qui est conçu en elle est du Saint-Esprit. Et elle enfantera un fils, et tu lui donneras pour nom Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés » » (Mt, 1, 19-21). La seconde, ce fut pour l’avertir du danger qu'Hérode faisait courir à Jésus et l’inciter à fuir en Égypte (Mt, 2, 13-14) : « Après [le départ des mages d’Orient], voici qu'un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, fuis en Égypte et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse ; car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr ». Et lui se leva, prit l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte ». Il n’est guère facile de savoir laquelle de ces deux apparitions Fragonard a voulu représenter. La nature morte au premier plan n’est pas très lisible ; on peinerait par exemple à vouloir y reconnaître les présents des rois mages.
Pierre Rosenberg avait rapproché ces deux études de la mention d’un tableau d’autel montrant un Songe de Joseph attribué à Fragonard et signalé dans une « église de Neuilly » . La toile semble avoir disparu. Les dessins seraient donc possiblement préparatoires à ce tableau perdu. Il existe à la Staaliche Kunstsammlungen de Dresde un troisième dessin en lien direct avec les deux feuilles de Grenoble. La composition est très similaire et mêle la partie supérieure du premier (position de l’ange, buste du saint) à la partie inférieure du second (position des jambes du saint et nature morte sur le devant). Le dessin de Dresde est également un lavis mais il offre des effets de lumière plus contrastés. En raison de son sujet et de sa composition, le tableau, préparé par les dessins de Grenoble et de Dresde, pourrait avoir formé un pendant avec un Repos pendant la fuite en Égypte que l’on date des mêmes années 1775-1780, et dont on connait plusieurs versions dont une au musée des beaux-arts de Troyes (H. 1,87 m ; L. 1,25 m). Les sujets religieux sont relativement rares dans l’œuvre de Fragonard. Dans le domaine de la peinture, on relève différentes compositions autour des thèmes du Repos pendant la fuite en Égypte, de la Sainte Famille, de la Visitation, de l’Éducation de Marie ainsi qu’une Adoration des bergers (Paris, musée du Louvre). Toutes ces œuvres religieuses, et c’est le cas également pour les trois dessins illustrant le Songe de Joseph, sont centrées sur la vie de la Vierge. Stylistiquement, les dessins de Grenoble sont caractéristiques de la production tardive de l’artiste avec un traitement suggestif et rapide des formes. À peine contenue par quelques traits tourbillonnants, l’encre délayée couvre le papier de ses voiles semi-transparents. Fragonard a beaucoup regardé et copié les maîtres, en particulier hollandais. Il leur emprunte l’usage très libre du lavis, résumant une scène à l’essentiel d’un contraste lumineux et d’un mouvement de pinceau.

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