Superficie blanche

Enrico CASTELLANI
1987
150 x 200 x 4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Di Meo en 1988
Localisation :
SA40 - Salle 40

Voir sur navigart

[Catalogue de l'exposition Italia moderna. La collection d'art moderne et contemporain italien du musée de Grenoble, 19 mai-4 juillet 2021]

À la fin des années cinquante, Lucio Fontana, figure majeure de l’art italien, fut une référence spirituelle pour la jeune génération de son pays, alors en quête de nouveaux moyens d’expression. Enrico Castellani, formé à l’Académie des Beaux-arts de Brera à Milan puis à l’Académie royale des beaux-arts ainsi qu’à l’École nationale supérieure de la Cambre à Bruxelles, s’inspire de la radicalité de son aîné. Âgé de vingt-six ans, de retour en Lombardie, avide d’échapper à tout provincialisme, il affirme vouloir « débarrasser la peinture des psychologismes à résonance surréaliste, des pathologies de type informel mais également du formalisme compositif de dérivation cubiste ou abstracto-géométrique ». En 1959, Castellani fonde avec Piero Manzoni le groupe, la galerie et la revue Azimuth. Il participe, à Milan, aux expositions du Groupe Zéro et du Groupe Nul. En réaction à l’art dit « informel » de ses aînés, Castellani écrit que « le besoin d’absolu qui [l’] anime […] interdit les moyens propres à la peinture ». Comme Lucio Fontana, il abandonne, en 1958-1959, la polychromie et les effets de matière, pour se consacrer exclusivement à des monochromes d’un genre bien particulier.

Les toiles de Castellani sont reconnaissables, entre toutes, par leur procédé technique. L’artiste modèle littéralement la surface de la toile à l’aide de clous plantés et de rembourrages, créant ainsi des piqûres régulières. Grâce à un système de poussées antinomiques, il obtient une variation de reliefs sur la toile adoucis par la tempera, choisie pour son rendu uniforme et son élasticité. C’est à la Galleria l’Ariete, à Milan, en 1963, que Castellani montre ses premiers « tableaux-objets ». D’une extrême sensualité, la toile monochrome se fait peau ou membrane. Sans jamais déroger à ce principe, pendant plus d’un demi-siècle, Castellani s’attèle à ces monochromes, qui font de lui, aux côtés de Piero Dorazio, Carla Accardi, Franco Angeli et Piero Manzoni, l’une des figures majeures de l’abstraction italienne.

Superficie blanche, comme toutes les oeuvres de Castellani, est rythmée par un principe de ponctuation. Les empreintes – alternance de cavités et de reliefs, de creux et de saillies, de pôles positifs et négatifs – se succèdent comme des signes à intervalles réguliers, excluant tout pathos. La lumière changeante modifie la perception de la toile privée de cadre. Castellani envisage la surface comme « dilatable », « concrète », sensible » et « réactive ». Dans le sillage de Lucio Fontana, mais aussi de Constantin Brancusi avec sa Colonne sans fin, Castellani cherche à exprimer l’infini… Avec ses « ambientazioni » aux surfaces ininterrompues, le peintre invite le spectateur à s’engager dans un acte de communion avec l’espace. Jouant ad libitum avec les modulations de la surface, Castellani entend exprimer l’immatériel et l’impondérable. Habitée de velléités utopiques, toute de rigueur et de précision, l’oeuvre de Castellani est très ancrée dans l’art italien des années 1960. Dans un texte intitulé « Totalità nell’arte d’oggi » [La Totalité dans l’art d’aujourd’hui] (in Zero 1/2/3, 1961), l’artiste exprime son ambition : faire de l’art « le reflet de cet espace intérieur total, dénué de contradiction vers lequel nous tendons ».

Découvrez également...