Homme vêtu à l'orientale accoudé à une balustrade

Camillo PROCACCINI
XVIe siècle
Sanguine, mise au carreau sur-jacente à la sanguine sur papier vergé crème
19,1 x 8,4 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3544, n°1279).

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Ce dessin et le MG D 508 préparent des « figures de bord » peintes dans deux tableaux mettant en scène des sujets différents. Leur typologie commune, leurs dimensions voisines, le médium utilisé, la sanguine, la présence conjointe d’une mise au carreau sur-jacente justifient à nos yeux leur insertion dans une seule et même notice. Le premier dessin prépare une figure placée à main gauche dans un tableau représentant le Martyre de sainte Agnès (collection borroméenne, Palazzo Borromeo). Cette figure désigne la scène du martyre : la main tendue vers la sainte fait écho à la lame du poignard que le bourreau enfonce dans le cou de la sainte. Cette main n’est pas seulement celle d’un admoniteur, c’est surtout celle de l’ordonnateur du martyre, le préfet responsable de la condamnation. Sur le dessin, Procaccini l’étudie sous la forme d’une excroissance : l’index se fait presque baguette. Le deuxième dessin est en relation avec une figure de saint Pierre tenant comme il se doit les clefs, peinte dans un tableau mettant en scène une Vierge à l’Enfant juchée sur un podium recouvert d’un lourd tapis de velours (La Vierge à l'Enfant entre saint Pierre et saint Antoine abbé, Milan, église San Marco). Saint Pierre est placé à gauche du podium ; à l’opposé se trouve saint Antoine Abbé. Le premier tableau a été peint pour l’autel dédié à sainte Agnès dans le transept droit du dôme de Milan et est aujourd’hui conservé dans la collection borroméenne à Isola Bella. La commande fut passée à Procaccini par la fabrique de la cathédrale le 29 novembre 1590, trois années après l’installation du peintre originaire de Bologne dans la ville lombarde. L’œuvre fut vraisemblablement mise en place le 7 avril 1592. Une deuxième version, presque sans aucune variante, existe. Elle a été peinte pour l’église des franciscains mineurs de Tortona (elle se trouve aujourd’hui dans l’église de Torre Garofali, sise dans le diocèse de Tortona). Le deuxième tableau en relation avec la figure de saint Pierre est également un tableau d’autel. Il ornait à l’origine un autel de l’église de Santa Maria Maddalena à Milan et a été déposé dans l’église de San Marco, à la suite de la destruction de son premier lieu de conservation en 1798. Nancy Ward Neilson, suivant l’avis de Giulio Bora, le date des alentours de 1618. Pour chacun des deux tableaux, il existe des modelli. Pour le Martyre de sainte Agnès, il s’agit plus exactement d’un bozzetto peint en manière de camaïeu sur papier marouflé sur toile[1]. Son statut est ambigu : il pourrait s’agir d’une réplique autographe réalisée a posteriori ou d’un modèle destiné à être soumis au commanditaire : presque aucune variante n’est à noter entre les deux œuvres. Pour la Vierge à l’Enfant entre saint Pierre et saint Antoine Abbé, Camillo Procaccini a dessiné une composition d’ensemble sur papier à la sanguine rehaussée de blanc[2]. La disposition des figures correspond à celle peinte sur le tableau, à ceci près qu’un arbre occupe l’espace supérieur droit. Seule une primo-étude de composition est connue à ce jour. Elle a été récemment découverte par Mario Di Giampaolo dans le fonds de dessins de la Biblioteca Comunale degli Intronati de Sienne[3]. Elle se rapporte au premier tableau. De nombreux changements ont été apportés par la suite à cette proposition dispositionnelle. La figure du préfet est ainsi représentée assise sur un trône juché sur un podium. Le martyre en lui-même est montré non pas au centre, comme dans le tableau, mais à senestre. Cette première disposition, différente en de nombreux points de celle finalement adoptée dans le tableau, montre que le dessin de Grenoble a été conçu à un moment génétique succédant à celui de la réalisation du dessin conservé à Sienne. Il est en revanche difficile d’expliquer pourquoi Procaccini a renoncé à cette première idée plus conforme, qui plus est, à l’orthodoxie iconographique des scènes de martyre. En effet, il est plus courant de voir, dans ce type de tableau, l’ordonnateur des martyres figuré sur un trône et non mélangé à la foule. Plus de vingt-cinq années sépareraient les deux dessins de Grenoble. Cette étendue temporelle n’est valable, bien entendu, que si la datation du tableau de l’église San Marco est correcte. Mis côte à côte, ils semblent pourtant avoir été dessinés presque simultanément tant leur style et leur typologie sont proches. Une explication peut être avancée : Camillo Procaccini a pu (ré)utiliser pour ce dernier tableau un dessin conçu dans les années 1600 qui pourrait être celui de Grenoble. Cette hypothèse repose sur l’existence d’une œuvre peinte pour l’archevêché de Plaisance au tournant du siècle représentant la Pentecôte : une figure de bord est ainsi très proche de celle peinte sur le tableau milanais. Seule différence : les clefs ne sont pas représentées. Il se pourrait du coup que le tableau de San Marco date aussi de cette période.


[1] Milan, Musei Civici del Castello Sforzesco, inv. 538 ; Ward Neilson, 1979, fig. 37. Dans la notice du tableau conservé à Isola Bella, Ward Neilson mentionne l’existence de deux autres « bozzetti » (selon ses termes) mais ne les reproduit pas, 1979, no 16, p. 17-18.
[2] Milan,Musei Civici del Castello Sforzesco C731-6/5395-6 ; WardNeilson, 1979, fig. 249.
[3] Inv. No. S. III.5 c.42, plume et encre brune, lavis d’encre bleue, 18,3 x 10,2 cm.

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