Groupe de figures

Pietro MUTTONI dit Pietro DELLA VECCHIA
XVIIe siècle
Plume et encre brune, lavis d'encre brune, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune, sur papier vergé crème doublé et coupé aux angles
12 x 10,5 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3544, n°1341).

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Les annotations anciennes sont toujours à prendre avec précaution. Il se trouve cependant que celle figurant sur le montage de ce dessin, écrite d’une belle écriture à l’anglaise, peut être prise en considération et même entérinée. L’existence d’œuvres graphiques comparables, dûment attribuées à Pietro della Vecchia, a bien entendu permis d’émettre un tel jugement. Un dessin repère de sa main est souvent utilisé pour étendre le corpus d’œuvres graphiques du peintre vénitien, connu pour ses pastiches habiles et ses imitations inventives d’œuvres de Giorgione et de Titien – il fut surnommé le « singe de Giorgione » –, productions certainement encouragées par ses activités de marchand et d’expert établi à Venise. C’est à cette heure l’unique dessin préparatoire [1] à une peinture recensée : il s’agit d’une étude de composition [2], pour un tableau peint entre 1664 et 1674 pour l’église des Jésuites de Venise, aujourd’hui conservé au musée de Brest, représentant la Conversion de saint François Borgia. Le canon des figures, le ductus des traits de contours des figures, la manière d’abréger les signes mimétiques (nez, mains, yeux) se retrouvent d’un dessin à l’autre.
La seule différence avec ce dessin repère est que la feuille grenobloise n’a pu être mise en rapport avec une peinture de Pietro della Vecchia. Cette absence de rapport est regrettable car il est du coup difficile d’identifier le sujet exact étudié par le dessinateur. On aurait pu croire à un moment que Pietro avait dessiné et étudié seulement un groupe de six figures, destiné à être intégré dans une composition plus importante. Mais la présence de traits, faisant office de cadre sur les pourtours inférieur et latéraux du papier d’œuvre, fait dire que cette dispositio constitue vraisemblablement un projet de tableau en tant que tel. On retrouve ce procédé de projection simulant un encadrement à venir dans le dessin du Louvre préparant la Conversion de Saint François Borgia. Catherine Whistler a émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’une rixe : « deux hommes se battent, sous les yeux de quatre personnages qui les encouragent […]. Les coups de pied que se donnent les deux hommes et l’enchevêtrement de leurs membres dégagent une énergie chorégraphique ». Cette proposition d’identification est sujette à caution. Car à partir des formes graphiques existantes sont inférés des attitudes et des gestes (une figure penchée sur la droite, un bras tendu, un autre bras tendu, une jambe levée), lesquels portent en eux un sens qui ne peut à cette heure qu’être connotatif (pour C. Whistler, une dispute ; idée qu’elle fait reposer sur l’existence dans l’œuvre peint de l’artiste de tableaux représentant des scènes d’échauffourées entre soldats). Mais ces gestes peuvent être tout autant interprétés comme simplement et seulement chorégraphiques (adjectif qu’elle utilise par ailleurs pour mieux le dépasser et le nier). À ce propos, il n’est pas anodin de préciser que, dans les anciens inventaires et registres du musée, le dessin est en toute simplicité identifié comme suit : « une danse » et dans le cahier des dessins légués par Léonce Mesnard, on lit ce titre joliment trouvé : « sarabande ». On se contentera donc de cette identification en affirmant que le dessin n’est pas tant la représentation du mouvement que la possibilité de représenter le mouvement. C’est plus précisément une sensation de mouvement rotatif qui est donnée à voir et à comprendre et ce, à travers des formes variées et répétées à partir d’un même module : une figure penchée autour d’un axe central, situé à la jonction des bras tendus, une jambe levée. C’est là où réside la maîtrise graphique de Pietro della Vecchia: avoir réussi à faire ressentir une idée de mouvement alors que les formes saisies sont figurées – nécessairement – à l’arrêt.


[1] Avec un dessin conservé dans une collection particulière allemande préparatoire (?) à un tableau représentant le Couronnement d’épines. La composition reprend toutefois une gravure de Lucas de Leyde.
[2] Ce dessin appartient au musée du Louvre, inv. RF 40971.

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