Tête de vieillard barbu portant un turban agrémenté d'une escarboucle

Giambattista TIEPOLO
XVIIIe siècle
Plume et encre brune, lavis d'encre brune sur un tracé préparatoire à la pierre noire, trait d'encadrement rapporté au graphite sur papier vergé beige
23,9 x 18,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3544, n°1326).

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Ce dessin fait partie d’un ensemble de feuilles ayant des formats voisins et montrant des têtes d’Orientaux barbus, portant des turbans parfois agrémentés d’escarboucle; des peintures existent aussi, établies selon un modèle de disposition voisin. On pense qu’elles faisaient partie à l’origine d’un même album, à l’image d’un recueil intitulé Sole Figure Vestite, conservé au Victoria & Albert Museum à Londres, regroupant quatre-vingt-neuf dessins de figures de vieillards vêtus à l’orientale représentés en pied. Lorsque le dessin de Grenoble fut exposé pour la première fois, il le fut ainsi en compagnie de deux feuilles du musée Atger de Montpellier, appartenant à la même série.
On sait l’importance que revêt dans l’œuvre peint de Tiepolo la figure du Levantin. Dans des sujets qui, a priori, n’imposent pas ce type de personnages, le peintre vénitien se plaît à les placer comme représentants du spectateur dans le tableau. On ne compte pas ainsi les sujets tirés de l’histoire gréco-romaine (comme l’histoire d’Antoine et de Cléopâtre), de la fable (histoires troyennes) et même tirés des Saintes Écritures, comme le Christ et la femme adultère où est inséré ce type d’hommes vêtus à l’orientale. Il convient alors de s’interroger sur le statut et la fonction de ces dessins. Tout incite à penser qu’ils n’étaient pas destinés au marché de l’art. Tiepolo les a soigneusement conservés et ne les a pas vendus de son vivant. Son fils, Giandomenico, a hérité de cet ensemble et en a gravé un certain nombre. Ces gravures sont réunies dans deux volumes intitulés Raccolta di Teste, publiés entre 1770 et 1774, en hommage à son père. Furent-ils conçus à l’origine pour servir de modèles pour des peintures ? Rien n’est moins sûr car rares sont les reprises exactes dans son œuvre peint, même si l’on peut noter des correspondances entre certains dessins et des peintures, comme, précisément, la tête du musée de Grenoble qui présente quelque rapport avec celle d’un patriarche, peint en 1744 dans le Banquet d’Antoine et Cléopâtre de Melbourne (il pourrait s’agir cependant d’un ricordo), tout près d’une colonne (une partie de son visage est placée derrière). Sont-ce de pures têtes de fantaisie ? C’est possible. On sait combien Tiepolo appréciait les gravures de Rembrandt et de Giovanni Benedetto Castiglione (qui pasticha le maître hollandais dans deux suites de gravures sur le sujet des Têtes d’hommes coiffés à l’orientale), montrant des personnages orientaux similaires. Dessiner des têtes, dans un esprit proche de ses devanciers, tout en s’en détachant pour développer sa propre manière, c’est une caractéristique propre à Tiepolo dont on sait la révérence qu’il portait à certains grands maîtres de la peinture (pensons à Véronèse). Tiepolo fait de sa peinture, et aussi dans une certaine mesure de ses dessins, un exercice assumé et conscient d’une sorte d’exercice de style.
Ces feuilles sont généralement datées après le séjour allemand et avant le voyage en Espagne, soit entre 1753 et 1762. Mais elles pourraient être antérieures.

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