La mer dans la chaise longue

Lucio FANTI
1981
130 x 162 x 2 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Krief en 1982

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[Catalogue de l'exposition Italia moderna. La collection d'art moderne et contemporain italien du musée de Grenoble, 19 mai-4 juillet 2021]

Né à Bologne, Lucio Fanti fait, au début des années 1960, la rencontre du peintre Eduardo Arroyo dans un pub de Londres. Décisif, cet événement lui fera dire que « faire de la peinture dans sa vie n’est pas une idée totalement folle ». Marqué par son père, Giorgio Fanti, figure marquante du communisme italien, Fanti est invité, adolescent, dans un camp de jeunes soviétiques sur les bords de la mer Noire ; il prendra goût par la suite au détournement ironique des images iconiques du régime. Arrivé à Paris en 1965, Fanti fréquente assidûment l’Atelier populaire de l’École des beaux-arts. En 1968, il rejoint le groupe des artistes de la Figuration Narrative (Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo, Antonio Recalcati) et participe à l’exposition organisée par le Salon de la jeune peinture, Salle rouge pour le Vietnam (1969). Au début des années 1970, il s’installe à La Ruche. Sa première période, dite « russe », enthousiasme Régis Debray : « Quand le communisme du XXe siècle aura quitté l’univers étroit et myope des sciences politiques pour prendre la place qui lui revient dans notre musée de l’Homme, soyons sûrs d’une chose : l’oeuvre de Fanti, sans exclure ses travaux d’aujourd’hui, fera emblème et référence. » À partir 1973, l’artiste réalise des décors de théâtre pour Klaus Michaël Gruber, Ermanno Olmi, Bernard Sobel, Peter Stein et Jean-Pierre Vincent.

Au fil des années 1980, l’oeuvre de Fanti, déclinée dans différents supports – peintures, décors de théâtre et objets imaginaires – devient plus personnelle. Certains motifs obsessionnels, inspirés de la photographie, la jalonnent : la barque, la chaise longue, la tente et la mer. Dans La Mer dans la chaise longue, la mer ondoyante et irisée s’est littéralement fondue avec le tissu d’un transat, comme par une étrange mise en abîme, ou mieux, par un processus de condensation typique du langage du rêve, si cher aux surréalistes. Le thème n’est pas isolé dans l’oeuvre du peintre :* Couple* (1982) figure deux chaises longues submergées par les flots tandis que Mer sur la toile se révèle très proche de la peinture de Grenoble. On retrouve dans cette oeuvre toutes les sources d’inspiration de Fanti : le cinéma, qui le fascine dès ses jeunes années, la figuration narrative, mais aussi un matérialisme teinté de poésie qu’il doit au poète Maïakovski, qui fut pour lui une figure fondatrice. L’artiste s’identifie volontiers à celui qui, ayant perdu espoir en l’utopie communiste, écrivit avant de se suicider : « La barque de l’amour s’est brisée contre la vie quotidienne. » Au sujet de toiles comme La Mer dans la chaise longue, Fanti exprimait avec humilité, distance et ironie, sa vision de la création : « Je pensais à ma vacuité, à la vacance… aux grandes vacances. J’ai aussi peint des tentes dans des clairières, où le feuillage des arbres était fait de lettres, de paysages dans des ballons de plage, de chaises longues, de “nymphéas urbains” et tout s’est mélangé dans des “châteaux de cartes” qui étaient une illustration mélancolique et moqueuse de ma vie » (entretien de Lucio Fanti avec Elisa Harran et Marie-Françoise Leclère, in LATOURELLE Philippe, Lucio Fanti : peinture et théâtre, cat. exp., Paris, 2011, pp. 72-86.)

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