Portrait de Benjamin Rolland

Eugénie DU COLOMBIER
1833
81,5 x 65,8 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à M. Claude Auguste Bajat en 1855

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Née à Saint-Hilaire-du-Rosier dans la maison forte du Périer en 1806, Eugénie du Colombier passe son enfance au château de Pin à Saint- Didier-de-la-Tour. Il est attesté qu’elle suit des cours avec Benjamin Rolland dès avant 1824. Rolland (?-1855) est alors conservateur du musée et directeur de l’école gratuite de dessin. L’établissement n’étant ouvert qu’aux garçons, elle bénéficie de cours particuliers et, pour cela, séjourne régulièrement à Grenoble chez sa tante, la marquise de Vaulx. Elle se distingue déjà dans l’art du portrait quand elle réalise, à l’âge de vingt-sept ans, cette oeuvre très révélatrice de la personnalité de son maître. Il apparaît comme une figure hiératique et précieuse à la fois. Campé dans son fauteuil, palette et pinceaux en mains, dans une composition savamment désordonnée, l’artiste, dans un habit élégant, est au faîte d’une carrière réussie. Il est entouré d’un coffre à couleurs richement décoré, d’un carton à dessin, de carnets de croquis dans un appartement cossu (boiseries, meubles anciens, tapis…). Une fenêtre diffuse une lumière tamisée qui éclaire son visage. Un buste en plâtre renversé sur le sol et trois sculptures posées sur un buffet rappellent que la formation des jeunes artistes commence par la copie des antiques. La toile sur le chevalet est achevée et encadrée. Elle est en partie cachée par une tenture damassée verte, mais on peut reconnaître Un père et son enfant malade, une peinture de Rolland datée de 1808 et offerte au musée en 1820 par le marquis Calixte de Pina, alors maire de Grenoble.
Ce portrait en hommage à son professeur est comme un exercice de style où Eugénie du Colombier peut lui montrer toute l’ampleur de son savoir-faire, particulièrement dans le subtil rendu des matières où elle excelle. Rolland appréciait cette oeuvre puisqu’il choisit de la présenter au Salon des amis des arts de Grenoble en 1835. Le nom d’Eugénie du Colombier ne figure pas dans le catalogue, sans doute à sa demande et en raison de son statut social. Une jeune femme de sa condition ne peut alors prétendre à une carrière artistique même si ses parents ont toujours encouragé sa vocation. Elle est juste « un élève de M. Rolland, conservateur du Musée[1] ». Mais un commentaire dans la presse nous révèle que ce tableau est bien de sa main : « Grenoble possède plusieurs artistes très-distingués, et qui sont destinés peut-être à devenir des célébrités et à imprimer aux beaux-arts une marche, une tendance nouvelle, MM. Sappey, Ravanat, Achard, Cassien, Debelle, Fantin, Genivet, Mlle du C., artistes de talens [sic] et d’espoir, qui sous l’aile protectrice de MM. Roland et Couturier père, leurs doyens, feront certainement dans quelques années de Grenoble une ville importante sous le rapport artistique. […] Une élève de M. Rolland, Mlle E. du C., s’est montrée digne d’un tel maître dans deux portraits charmans [sic] qu’elle a exposés. Il faut vraiment être femme et en avoir l’ingénieuse patience pour peindre aussi bien et avec autant de vérité, tous les petits détails d’un appartement, tous les accessoires d’un tableau. Ce que nous avons admiré le plus, c’est un tapis de table et un rideau vert ; vous jureriez voir un tapis de laine brodé à points avec tout le fini possible. Ces tableaux sont parfaits. […] Il est bien autrement des portraits de Mlle du C. Là tout est à propos, à sa place ; il n’y a pas un seul objet qui ne dise quelque chose, qui n’exprime une pensée[2]. »


[1] Catalogue du Salon de Grenoble, 1835.
[2] Alph. Maxim. Cerfberr, « Exposition de Grenoble », Courrier de l’Isère, 12 mai 1835, p. 3.

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