La Romanche à Livet

Ernest Victor HAREUX
un peu avant 1895
59,5 x 73,5 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don d'Henri Fantin-Latour en 1895

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Cette oeuvre est une étude pour Bords de la Romanche à Livet, temps orageux, exposée au Salon de la Société des artistes français en 1895 et acquise par l’État. Elle est composée, comme Hareux le préconise dans son livre Cours complet de peinture à l’huile, avec deux fortes diagonales qui se croisent presque au centre du tableau. À gauche et à droite, les flancs montagneux semblent plonger dans la rivière. Au centre, le spectateur peut pénétrer de plain-pied dans les eaux tumultueuses de la Romanche. À l’arrière-plan, les hauts massifs de Belledonne se perdent dans une perspective atmosphérique aux subtils dégradés de tons froids atténuant leurs contours et leurs couleurs. À l’avant du tableau, la masse des rochers bruns s’oppose au remous des eaux tourbillonnantes et chargées d’écume. L’aspect minéral de cette composition est accentué par les tonalités grises du ciel qui reprennent en écho celles de la rivière. La scène est éclairée par un faible soleil dont les rayons dardent les nuées. Dans ses écrits, le peintre précise son affection pour les temps qui provoquent des effets de ciel surprenants et donne de précieux conseils aux peintres amateurs : « Le temps orageux est, pour le paysagiste, une source inépuisable de sujets de tableaux. Les effets du ciel se multipliant avec la rapidité et la variété d’un kaléidoscope, on ne se lasse pas d’observer et de peindre […]. Ce qui diffère, c’est la manière de peindre pour obtenir les rayons transparents qui sont projetés par le soleil passant dans les trouées des nuages. Pour obtenir ces rayons, qu’on nomme des gloires et qu’en sculpture on emploie pour la décoration des monuments religieux, voici comment procédera le peintre[1]. »
Hareux deviendra co-fondateur de la Société des peintres de montagne en 1898 et, au moment où la photographie concurrence la peinture, il se démarque comme étant un spécialiste des effets atmosphériques et des nocturnes. Il prendra souvent la route le long de la Romanche, notamment à la fin de sa carrière, pour peindre des paysages alpins éclatants de tons chauds et irradiés d’un ciel d’azur, comme dans ses aquarelles illustrant l’ouvrage de son ami Daniel Baud-Bovy, La Meije et les Écrins (1907). Si les critiques locaux n’ont pas toujours été tendres avec cet artiste, coutumier des honneurs parisiens, il saura cependant se faire adopter par les élites grenobloises en devenant membre de l’Académie delphinale.
Après Le Chemin du petit séminaire, c’est la seconde oeuvre d’Ernest Hareux à entrer dans les collections du musée du vivant de l’artiste.


[1] Ernest Hareux, Cours complets de peinture à l’huile – Paysages, Paris, éditions Laurens, s. d., p. 24.

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