Campements de bohémiens à l'Esplanade devant la Porte de France

Diodore RAHOULT
1868
52 x 81 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs du Commandant Chabert en 1898

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Diodore Rahoult avait-il un don pour saisir les traits et le quotidien de ses contemporains ? Une grande partie de son oeuvre le laisse penser. En effet, entre 1860 et 1864, l’auteur du Grenoblo Malhérou[1] connaît un large succès populaire en livrant une production inédite relative à l’histoire de la ville. Dans ses dessins, qui accompagnent les poèmes en patois de François Blanc dit Blanc-La-Goutte, il met en scène les Grenoblois et offre ainsi un témoignage quasi anthropologique sur ses concitoyens. Après quoi, il poursuit avec les illustrations de Jacquety de la comare et de Coupi de la lettra, dont le plus célèbre extrait demeure le tableau des Quatre commères devant le palais de justice. Cela est bien sûr sans compter les nombreux portraits de ses contemporains qu’il exécute tout au long de sa carrière. Aussi, lorsque des étrangers s’installent à l’entrée de la ville au printemps 1868, Rahoult s’empresse-t-il de croquer les nouveaux arrivants. Campement de Bohémiens à l’Esplanade devant la porte de France est le titre du tableau qu’il consacre à ce petit groupe constitué d’hommes, de femmes et d’enfants. Au centre de la composition, l’un d’eux étame une pièce métallique sous le regard de ses compagnons. Tous portent des vêtements clairs ou colorés rappelant la mode orientaliste. Dans la partie gauche, deux chevaux qui les accompagnent évoluent en liberté, à l’image de cette communauté nomade. Enfin, de larges tentes sombres, déployées dans la prairie, dissimulent, en partie, le Moucherotte que l’on aperçoit au fond. La palette, volontairement restreinte à des tons verts, bruns et bleus, s’illumine grâce à quelques touches de blanc et de rouge. S’il est probable que Rahoult ait observé directement cette scène, il est aussi certain qu’il se soit servi de photographies pour réaliser son tableau. La technique photographique se développant de manière significative à Grenoble à cette époque, on sait que le collectionneur Paul Bataillard avait récupéré auprès de Rahoult différents clichés fixant ce campement de Bohémiens[2]. En 1909, le général de Beylié, en décrivant la production de l’artiste, insiste sur son caractère pittoresque et sur sa portée ethnographique. Rahoult, « avec sa finesse d’observation, sa verve spirituelle, le piquant coloris, a été le peintre charmant des scènes de la vie dauphinoise[3] » comme de ceux qui l’ont animée.


[1] Blanc-la-Goutte, Poésies en patois du Dauphiné : Grenoblo Malhérou, dessins de D. Rahoult ; gravures E. Dardelet, Grenoble, Rahoult et Dardelet, 1864, BMG, Vh. 9853 Rés.
[2] Ilsen About, Mathieu Pernot et Adèle Sutre (dir.), Mondes tsiganes : une histoire photographique, 1860-1980, cat. exp. Paris, musée national de l’Histoire de l’immigration, 13 mars-26 août 2018, Paris, musée national de l’Histoire de l’immigration, Arles, Actes Sud, 2018.
[3] Léon de Beylié, Le Musée de Grenoble : peintures, dessins, marbres, bronzes, etc., Paris, H. Laurens, 1909, p. XIV.

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