Neige au Breuil

Victor CHARRETON
avant 1914
60,5 x 72,5 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de la Société des amis des arts en 1914

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Victor Charreton est un talentueux représentant de la nouvelle génération d’artistes formés à Grenoble, dans la seconde moitié du XIXe siècle, au contact de Laurent Guétal (1841-1892) et de Tancrède Bastet (1858- 1942). Né à Bourgoin en 1864, il séjourne à Grenoble pendant plusieurs années pour faire son droit sous la pression de son père, puis exercer comme clerc d’avoué. Il s’installe à Lyon en 1892 mais, dix ans plus tard, il choisit définitivement la carrière artistique et se partage alors entre Paris et l’Auvergne tout en continuant à voyager. Il découvre le Puy-de-Dôme par son mariage avec Elmy Chatin en 1893 et dit « n’avoir rencontré qu’en Auvergne, et de par la nature ignée de son terrain, des tonalités aussi riches[1] ». Cette région lui confirme la voie de la couleur et du paysage et il exprime rapidement dans ses oeuvres une éclatante volupté picturale[2]. Pour saisir la richesse chromatique de ce territoire volcanique, il peint sur le motif, même au coeur de l’hiver : « J’ai commencé une grande toile, la plus grande. Mais le vent, la neige qui fond, les mille difficultés pour une grande tartine surgissent et c’est pénible. J’ai failli crever la toile ce matin par un coup de vent survenu brusquement[3]. » Pour Neige au Breuil, Victor Charreton a choisi un carton comme support pour faciliter le travail en extérieur et pose au couteau une pâte généreuse pour noter rapidement les fluctuations de la lumière. Ses oeuvres hivernales s’organisent autour d’une gamme de roses, de mauves, de bleus et de bruns. Quand il évoque le mois de janvier à Murol, c’est un enchantement visuel : « Tout est fleuri, les ruisseaux sont muets. Point de souillures, point de bruits, les buissons ont des aubépines, les branches des colliers, les fontaines des perles[4]. » C’est ainsi qu’il voit le jeu du soleil et de la lumière sur les cristallisations du givre, comme des arbres fleuris au printemps.
À cette époque, Victor Charreton séjourne régulièrement à Murol, non loin du Breuil. C’est autour de lui et de l’abbé Boudal, curé de Murol, que va se développer un étonnant foyer artistique vite qualifié de « centre pictural auvergnat » ou « d’école de Murol ». Des artistes de tous horizons se retrouvent pour peindre et Charreton apparaît rapidement comme le maître à penser du groupe. Lors de l’achat de cette oeuvre par la Société des amis des arts de Grenoble, il est médaille d’or du Salon de Lyon (1904), médaille d’or du Salon des artistes français (1913) et chevalier de la Légion d’honneur au titre de peintre (1914). Il a alors paru évident que cet artiste devait enfin figurer dans les collections du musée de Grenoble[5].


[1] Lettre à Elmy Charreton, 25 janvier 1913, dans Joseph Barrière, Le Peintre Victor Charreton, Clermont-Ferrand, Imprimerie générale, 1937.
[2] Valérie Huss, Victor Charreton, paysages d’Auvergne, Vienne, Vienne Imprim’, 1988.
[3] Coll. part., lettre à Elmy Charreton, 13 décembre 1912.
[4] Coll. part., lettre à William Didier-Pouget, Murols, 17 janvier 1917.
[5] Valérie Huss, Brigitte Riboreau, Vincent Pomarède, Victor Charreton : itinéraire d’un peintre voyageur, cat. exp. Bourgoin-Jallieu, musée de Bourgoin-Jallieu, 24 mai-30 novembre 2003, Dijon, Les Presses du réel, 2003.

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