Il disegno dello specchio

Michelangelo PISTOLETTO
1979
Bois, miroirs
180 x 450 x 40 cm
Acquisition :
Achat à la Galleria Persano en 1988 par l'Institut d'art Contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes.
Dépôt au Musée de Grenoble en 2005.
Localisation :
SA54 - Salle 54

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[Catalogue de l'exposition Italia moderna. La collection d'art moderne et contemporain italien du musée de Grenoble, 19 mai-4 juillet 2021]

En dépit de son absence d’unité formelle, l’oeuvre de Michelangelo Pistoletto est d’une profonde cohérence. Peintre et sculpteur, l’artiste est une figure éminente de l’Arte Povera. Il se joint à ce groupe d’artistes en 1967, à Turin. Comme ses condisciples, il s’oppose à la société de consommation, privilégie des matériaux dits « pauvres » et cherche à en finir avec l’abstraction lyrique et l’idée de subjectivité. Traversé par la question du réel et de sa représentation, investigation qu’il mène grâce à une grande quantité de médiums tels que la peinture, la photographie, le cinéma, mais aussi le théâtre, les azzione povere [actions pauvres] et la sculpture, l’oeuvre de Pistoletto se nourrit de spéculations linguistiques, philosophiques et politiques. Protéiforme, son travail se révèle singulièrement personnel depuis ses tableaux réfléchissants jusqu’à ses sculptures en polyuréthane. Pistoletto invite, en 1966, le public dans son atelier turinois pour la présentation des Oggetti in meno [Objets en moins], installations fondées sur de singulières expériences perceptives. « Parce que selon moi, chaque action accomplie est la libération d’une nécessité. En ce sens, une chose faite est une chose en moins, en considérant l’énergie dépensée, perdue, consumée. » Plus largement, ses recherches le conduisent vers une sculpture amante de la dialectique et des matières contraires (Pensons à la Vénus aux chiffons, 1967, Tate Modern, Londres), où l’artiste interroge les conditions contemporaines du regard.

Depuis ses débuts, Pistoletto questionne le réel et sa représentation à travers le miroir. Dès la fin des années 1950, la série des Autoportraits sur fonds monochromes (noir, or, argent, bronze) en témoigne. Puis l’artiste expose, dès 1962, ses premiers tableaux-miroirs (figures grandeur nature et scènes de la vie quotidienne sérigraphiées sur acier inoxydable poli). Il dit que Lucio Fontana, perforant le tableau, et Alberto Burri, dans son souci de la matière, l’ont poussé à aller vers le miroir. Dans la culture occidentale, la première expérience figurative authentique de l’homme est de reconnaître son image dans le miroir. « Pour moi, le thème du miroir est un thème sans fin. Et justement, les premières oeuvres que j’ai faites en pensant au miroir, l’« effet miroir », qui datent de 1961, je les ai appelées Le Présent. »

De 1975 à 1982, Pistoletto revient à ce thème avec un ensemble de miroirs brisés et fragmentés. Il disegno delle specchio [Le dessin du miroir, 1979] est ainsi composé de sept miroirs de formes différentes adossés à un mur. Le spectateur fait face à un reflet démultiplié, dissocié, diffracté. La réalité de l’oeuvre se confond avec celle du spectateur, dont l’image surgit, se dissémine, disparaît au gré de ses déplacements. Les miroirs enregistrent les passages éphémères des visiteurs : le temps est comme scandé par l’alternance des reflets transitoires et des « vides », où, excepté l’espace du musée, rien ne vient troubler la surface spéculaire. Pour l’artiste, « l’idée force dans cette idée du miroir, c’est la présentation du monde tel qu’il est » (entretien avec Michel Maffesoli, 2001).

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