L'homme entre le Vice et la Vertu

Henri FANTIN-LATOUR
vers 1885
27 x 36,1 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de Victoria Fantin-Latour née Victoria Dubourg en 1904

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Si la plupart des « œuvres d’imagination » de Fantin s’inspirent de la musique, d’autres, plus rares, comme ce dessin, puisent leur source dans l’allégorie, même si rien ne les distingue a priori. On y retrouve en effet un même personnage masculin habillé, environné et séduit par des figures féminines dévêtues. Cette feuille, entrée au musée sous le titre de _ La Fortune_, apparaît dans le catalogue de Mme Fantin-Latour en 1911 comme une des nombreuses versions de L’Homme entre le Vice et la Vertu (F.2400). Elle le décrit ainsi : « Il s’avance de face. Au premier plan, une femme, demi-nue, couchée, lui présente une coupe ; à gauche, une autre femme, debout, drapée, vue de profil perdu ; à côté d’elle, une Renommée souffle dans sa trompette. Derrière l’homme, une figure volante, prête à le couronner. » À cette identification précise de l’iconographie, Mme Fantin ajoute quelques informations précieuses comme le fait que ce dessin est un « projet de tableau » et que son « sujet a été refait sous le titre : Le Voyageur ». La première mention d’une œuvre sur ce thème dans la production de son mari date de 1871 et concerne une toile de petit format[1] où, derrière la Vertu, apparaît l’Étude, « un grand livre sous le bras ». L’artiste reprendra cette composition en peinture à de nombreuses reprises sous le titre de L’Homme entre le Vice et la Vertu en 1895 et 1904 (F.1585, F.2041, F.2131), puis sous celui d’Allégorie (F.2042), ou du Voyageur (F.2172), toujours en 1904, modifiant à chaque fois la disposition des personnages. Variations sur le même thème de l’hésitation d’un homme entre Vice et Vertu, Fortune et Renommée, ces œuvres réinterprètent une idée chère aux compositions musicales, comme dans Tanhaüser-Venusberg _ ou _Rinaldo _ : celle d’un individu tiraillé entre amour profane et amour sacré, sensualité et spiritualité. Aucune de ces variations ne correspond précisément à la feuille de Grenoble. Seuls deux dessins, conservés au musée d’Orsay[2] et faisant partie de l’album II (F.2428), intitulés _Voyageur rencontrant une femme nue, à terre et la Fortune et la Renommée, l’un dans le même sens, l’autre en sens inverse, apparaissent comme des croquis d’études, premières pensées pour ce dessin. La description de ces feuilles dans le catalogue de Mme Fantin nous permet d’identifier la roue sur laquelle la Fortune s’avance à droite, peu visible dans la version grenobloise. Les noirs profonds, obtenus par l’usage du crayon lithographique très gras, le trait d’encadrement précis, montrent une composition aboutie, où les corps, en particulier dans la partie gauche, ont des contours nets et des volumes appuyés. Une petite toile, entrée au musée de Lyon en 1909, sous le nom de Joseph Guichard, et sous le titre La Fortune, doit être rendue sans aucun doute à Fantin-Latour et pourrait être une esquisse peinte, précédant notre dessin, pour le tableau projeté dont parle Mme Fantin dans son catalogue et non réalisé[3].


[1] F.505., huile sur toile, 25 x 22 cm, localisation actuelle inconnue.
[2] Département des Arts graphiques, album II, fol. 42, RF 12516, recto et fol. 42, RF 12515, recto.
[3] Cette esquisse n’est pas cataloguée dans l’ouvrage de Mme Fantin de 1911.

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