Portrait de Mlle Nathalie Fantin-Latour

Henri FANTIN-LATOUR
avril 1856
40,2 x 31,1 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don Victoria Fantin-Latour née Victoria Dubourg en 1904

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Nathalie Fantin (1837-1903), sœur cadette de l’artiste, a posé pour cette étude. Au milieu des années 1850 en effet, Fantin puise exclusivement ses modèles parmi ses proches. Il affectionne alors particulièrement les scènes de lecture ou de couture où, entre portrait et tableau de genre, il dépeint ses modèles absorbés par leur tâche, ignorant ostensiblement l’artiste qui les portraiture et le spectateur [1].
Ce portrait a été exécuté en 1856, un an après l’échec d’un portait peint représentant Nathalie seule, qu’il avait projeté de présenter à l’Exposition universelle de 1855 pour finalement le détruire [2]. Nathalie Fantin se penche sur un livre ou, vraisemblablement, sur des travaux d’aiguille.
Les jeux de clair-obscur, qui s’opposent au modelé plus doux de la paupière et de la joue gauches, le crayonnage énergique, contrastent avec les gris de l’estompe. La manière se ressent de l’exemple de Courbet pour lequel Fantin, comme ses amis Whistler, Legros, Bracquemond ou Manet, nourrit la plus vive admiration. Fantin suivra même son enseignement en 1861. Le cadrage resserré, le format ambitieux, et la vigueur de l’exécution confèrent une monumentalité à cette belle bête d’étude, dont la réussite se compare à celle des deux portraits dessinés de Nathalie (conservés au musée du Louvre [3] et à l’Ashmolean Museum d’Oxford [4]). Fantin-Latour avait d’ailleurs choisi de les exposer tous deux en 1901 chez Tempelaere, faisant regretter aux critiques que « depuis longtemps, M. Fantin ait renoncé à peindre des portraits, de ces portraits de parents ou d’amis, comme il en fit jadis, et qui demeurent le plus solide de sa gloire [5] ».
Des circonstances familiales autant qu’une orientation artistique nouvelle l’avaient de plus en plus incliné à partir des années 1860 vers les compositions d’imagination qu’il nomme les « féeries ».
Ses sœurs disparaissent de son œuvre au tournant des années 1860. Nathalie, souffrant de désordre mental, est internée en 1859 à Charenton. Elle y reste plus de quarante ans, jusqu’à sa mort en 1903.


[1] C’est ce que Michael Fried nomme la « peinture de l’absorbement ». Dans l’analyse de ce qu’il identifie comme une tradition de l’antithéâtralité et de ses relations avec le modernisme de Manet, il accorde une importance inédite aux tableaux de lecture et de couture de Fantin-Latour (Fried, 2000, p. 51-66).
[2] « 1854. Essai d’un portrait d’après sa sœur Nathalie en talma de velours noirs sur fond rouge pour le Salon Exposition de 1855. Toile de 40. Détruit. » Notes prises par Mme Fantin-Latour…, f°16.
[3] RF 12759 recto et RF 12 777.
[4] Tableau daté de 1857 ; repr. dans 1982-1983 Paris-Ottawa-San Francisco, cat. exp., n°18 (notice Douglas Druick).
[5] Charles, 1902, n.p., à propos des têtes d’étude exposées en 1901. Notes prises par Mme Fantin-Latour…, f°25.

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