Un dragon

Jean Baptiste Edouard DETAILLE
1895
17,7 x 12,5 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs du Docteur Adrien Doyon le 29 septembre 1907

Voir sur navigart

Édouard Detaille est le grand peintre du soldat. Il manie son pinceau au service de l’armée française avec une telle précision documentaire qu’il est décrit par certains de ses contemporains comme un peintre de « bouton de guêtre » (Baudelaire), un « commentateur, non des âmes mais des uniformes » (Camille Mauclair). Pour chacune de ses toiles, il réunit une documentation vaste et précise, relève les lieux, interroge des témoins, étudie en détail le déroulement des opérations. Véritable magasin d’habillement, son atelier regorge de militaria qu’il emploie dans ses compositions. Après avoir beaucoup illustré la guerre de 1870, dont il a suivi les troupes sur les champs de bataille, il s’intéresse moins à la vie quotidienne de l’armée et se tourne, notamment, vers la représentation de l’épopée napoléonienne. C’est le cas de ce dessin qui représente un dragon en pied, fumant sa pipe, appuyé contre un bureau de bois. Son attitude nonchalante rappelle les scènes de soldats au repos, pris dans leur vie quotidienne, que Detaille aime croquer entre deux manœuvres. Aux antipodes des panoramas de la bataille de Champigny et de Rezonville, dont le musée de Grenoble conserve deux fragments[1], ce petit dessin évoque, par son cadrage et sa facture, les aquarelles réalisées pour L’Armée française, types et uniformes, énorme somme que Detaille signe en collaboration avec Jules Richard entre 1885 et 1889. Dans notre dessin, pourtant, l’uniforme présente de curieuses entorses à la réalité. Le casque est bel et bien celui d’un dragon de l’Empire, comme en témoignent le turban à fourrure fauve, les rosaces à palmettes des jugulaires et la bombe en laiton. Mais l’habit bleu et le sabre à fleurons correspondent davantage au modèle porté par les cuirassiers. On peut supposer que Detaille réalise cette feuille de mémoire à Uriage, à l’intention de son ami le docteur Adrien Doyon (Uriage, 1827-1907), dermatologue de renom, qui développe le thermalisme dans sa ville natale d’Uriage, et à qui ce dessin est dédicacé. Dernier collaborateur de Claude Bernard, Doyon est à la fois un éminent savant et un amateur d’art. Il se lie d’amitié avec Detaille, qui se rend chaque été en cure à Uriage, mais aussi avec Léon Bonnat qui réalise son portrait en 1887. À sa mort en 1907, il lègue le dessin au musée. Édouard Detaille écrit alors au général Beylié, également grand donateur du musée et ami de Doyon : « Je ne peux qu’être heureux de faire une nouvelle entrée dans le beau musée de Grenoble où vous m’avez très généreusement offert déjà une très belle place[2]. »


[1] Un mobile tué ; un officier allemand mort près de son cheval expirant, (fragment du Panorama de la bataille de Champigny), 1882, MG 1050 ; Un artilleur de la garde tué (fragment du Panorama de la bataille de Rezonville), 1882, MG 1281. Ces deux peintures, présentées au public en 1882, ont été données par Beylié au musée en 1896.
[2] Lettre conservée à la documentation du musée de Grenoble.

Découvrez également...