Bodhissatva Quan Thê Am à douze bras

Asie, Vietnam, Hanoï
2ème moitié XIXe siècle
78 x 76 x 35 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Don de Léon de Beylié en 1900

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Bois peint, laqué et doré
78 × 76 × 35 cm
Don de Léon de Beylié en 1890
MG 2010-0-1

Dans un courrier datant du 3 octobre 1890 et adressé à sa mère, Léon de Beylié écrit : «L’envoi du musée comprend un dieu de la guerre, un de la paix, un de la littérature, en bois sculpté, laqué or et diverses couleurs, de 1 m 20 à 1 m 90 de haut, fait par les meilleurs sculpteurs de Hanoi. Une déesse à 12 bras [en] bois laqué d’or, deux bonzes en prière, bois et couleurs […] [1]. » La déesse à douze bras mentionnée dans la missive correspond au bodhisattva Quan Thê Âm, Avalokitesvara en sanskrit. Être incarnant la compassion, cette divinité est sans aucun doute l’une des figures les plus populaires du bouddhisme vietnamien [2]. Il s’agit ici d’une représentation connue sous le nom de Quan Âm chuân –dê. Le terme chuân –dê, en sanskrit cundi, signifie « la Pure » et désigne une forme féminine du bodhisattva. Le caractère féminin se traduit ici par un canon particulièrement longiligne. Cette volonté d’étirer le visage et les membres se voit fréquemment sur les statues de Quan Âm à partir des XVIIie-XIxe siècles. La posture assise est celle adoptée pour la méditation, la position du lotus, padmasana. Néanmoins, il s’agit ici d’une variante, le pied droit sur la cuisse gauche [3]. Il apparaît que cette attitude est plus généralement employée dans les représentations appartenant aux écoles relevant du bouddhisme ésotérique [4]. L’hypothèse d’une statue montrant une forme ésotérique du bodhisattva se confirme en regard de la multiplicité de bras du personnage. Rayonnant à partir de son torse, six paires de bras se déploient, les mains présentant différents attributs. Si certains sont aisément identifiables, d’autres posent encore des difficultés d’interprétation. Nous pouvons ainsi reconnaître une bouteille en forme de calebasse, une cloche et un livre. Il faut encore citer deux disques (?) dont le sens reste mystérieux et des mudra (gestes) à distinguer. Les bras principaux, situés devant, méritent que l’on s’arrête sur eux. Posées dans le giron de la divinité, deux mains exécutent le mudra de la méditation tandis qu’au-dessus d’elles un second ensemble effectue le geste dit chuân –dê. Ce mudra est particulier à cette manifestation du bodhisattva de la compassion. Sous cet aspect, Quan âm chuân –dê peut être vénérée comme « la mère des bouddhas ». En conséquence, elle ne présente pas la traditionnelle représentation du bouddha Amitabha dans sa coiffure, mais une tiare relativement haute et conique d’où partent des ailettes en forme de nuage (?). Un lotus constitue le motif décoratif central de la coiffe.
Sans être la plus populaire des formes ésotériques, cette manifestation à bras multiples apparaît fréquemment à l’intérieur des temples bouddhiques vietnamiens. Toutefois, nous ne pouvons pas, pour le moment, dater de manière précise les premières occurrences de Quan Âm chuân –dê. À l’image d’autres œuvres de la collection Beylié, cette statue est une copie selon une pièce originale révérée dans un temple encore non identifié.


[1] Cet envoi se composait de cinq caisses contenant principalement des statues, dont celle de Kui Xing, dieu des Examens.
[2] La popularité du bodhisattva dépasse largement le cadre du simple bouddhisme vietnamien. Il fait l’objet d’une importante dévotion dans d’autres pays d’Extrême-Orient tels la Chine, la Corée et le Japon.
[3] Dans la posture du lotus traditionnelle, les deux plantes de pied sont visibles alors que dans le cas présent seule celle du pied droit l'est.
[4] Voir Louis Frédéric, Les Dieux du bouddhisme, guide iconographique, Flammarion, Paris, 1992, p.12.

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