Berger se penchant en avant

Hendrick BLOEMAERT
4ème décade XVIIe siècle
13,4 x 10,2 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3562, n°2103).

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Ce dessin représentant un berger, conservé sous le nom d’Abraham Bloemaert, revient en fait à son fils, Hendrick Bloemaert. Avec les deux dessins d’Abraham Bloemaert (MG D 670 et MG D 1679), cela fait trois feuilles dans la collection qui sont données à cette illustre famille d’artistes travaillant à Utrecht. Le musée conserve aussi la monumentale toile de l’Adoration des Mages de 1623, l’un des chefs-d’oeuvre de l’artiste (MG 87), qui décorait à l’origine le maître-autel de l’église des Jésuites de Bruxelles.
Finement tracé à la pierre noire, ce dessin possède les traits stylistiques caractéristiques d’Abraham, mais une certaine timidité, une plus grande attention prêtée aux détails et un manque de vigueur suggèrent qu’il s’agit d’une feuille revenant à son entourage. Cadré aux genoux, le berger s’inscrit parfaitement dans la feuille au papier bleu qui n’a sans doute pas été coupée. Hendrick Bloemaert, artiste peu connu, fut étudié par Marcel Roethlisberger en 1993. Comme son père, il est resté fidèle à l’église catholique et il décore à plusieurs reprises des lieux de culte dans les Pays-Bas indépendants. Soumise à une grande discrétion et interdite de toute action publique, l’église catholique est pourtant tolérée dans les Provinces-Unies et compte toujours de nombreux fidèles, plus adeptes des écrits théologiques tolérants un peu antérieurs, d’Érasme de Rotterdam ou de Dirck V. Coornhert, que du militantisme de la contre-réforme romaine. À l’église Saint-Cornelius de Limmen, près d’Alkmaar, se trouve une Adoration des bergers d’Hendrick Bloemaert[1] que prépare le dessin de Grenoble. Un berger très similaire tenant un bâton y contemple l’Enfant Jésus. L’artiste utilise ce dessin à plusieurs reprises, en particulier dans une Adoration des bergers, datée de 1659 et conservée dans la vieille église catholique d’Amersfoort. En revanche, le berger y est vu sous un angle légèrement plus frontal.
L’artiste est né à Utrecht vers 1601-1602 et il est attesté à Rome entre 1626 et 1631. Il collabore ensuite avec son père à plusieurs grandes commandes religieuses et il continue à en recevoir après la disparition de celui-ci en 1651. Joachim von Sandrart, qui a rencontré Hendrick à Rome vers 1630, le qualifie de bon dessinateur mais pense qu’il n’a pas véritablement pu faire une grande carrière à cause de son manque de confiance[2].
Les dessins certains de Hendrick Bloemaert sont rares et l’influence des oeuvres de son père y est encore très présente. Le British Museum conserve un dessin d’Abraham Bloemaert qui trace déjà dans les grandes lignes la composition adoptée par son fils dans l’Adoration des bergers de Limmen, (Inv. FF 4.99)[3]. Ainsi, le berger d’Hendrick Bloemaert, dans le dessin de Grenoble, emprunte ses traits à l’un des personnages de ce dessin d’Abraham.
Hendrick Bloemaert exécute dans les années 1630 des demi-figures masculines et féminines qui lui assurent une certaine célébrité car elles sont souvent gravées. Même si le mouvement caravagesque n’occupe plus la première place sur la scène artistique européenne, ces oeuvres prouvent qu’il y a toujours à l’époque des acheteurs sensibles à cette tendance. C’est dans ces oeuvres qu’Hendrick Bloemaert montre tout son savoir-faire artistique et il est intéressant de rapprocher le dessin de Grenoble de ces fameuses demi-figures.


[1] Voir Roethlisberger, 1993, I, p. 489, n° H113, repr.
[2] Heinrich ware ein guter Zeichner konnte aber seine Klückskugel nicht vernünftig genug fortschieben, dahero diese Blum unter den Hecken der Zaghaftigkeit ersticket. Voir Sandrart, 1679, partie II, livre III, p. 298.
[3] Voir Popham, 1932, n° 5, repr.

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