Assomption de la Vierge

Alexandre-Evariste FRAGONARD
vers 1830
46,2 x 37,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs Isaure Périer, veuve de M. Aristide Rey, en 1930. Entrée dans les collections en 1931.

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Fils et élève d’Honoré Fragonard, Alexandre Évariste fréquente très jeune l’atelier de David et participe au Salon dès 1793, alors qu’il est âgé de treize ans. Peintre, décorateur, sculpteur, lithographe, dessinateur de modèles pour la Manufacture de Sèvres et de costumes pour l’Opéra de Paris, Fragonard fils est aussi un des nombreux illustrateurs qui participent à l’aventure des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France du baron Taylor. Si sa production artistique est marquée à ses débuts par le néoclassicisme le plus pur, hérité de son maître David – en particulier dans les décors du Palais Bourbon [1] – il s’engage dans les années 1820 dans la voie de la peinture « troubadour », avec des scènes empruntées à la vie de François Ier, Jeanne d’Arc ou du duc de Berry. Dans ces tableaux et décors de « genre historique », l’artiste – retrouvant le goût des lignes sinueuses et des coloris éclatants – se montre très proche de la sensibilité de son père. Fragonard fils est aussi un peintre de sujets religieux bénéficiant de nombreuses commandes officielles pour des églises de Paris ou de province. On lui doit ainsi en 1820 une Fuite en Égypte pour la cathédrale de Strasbourg et une Lapidation de saint Jacques pour l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas à Paris en 1842. Pour Rebecca Duffeix, auteur d’une thèse sur Alexandre Évariste Fragonard, cette très belle aquarelle, figurant une Assomption de la Vierge, est à mettre en relation avec les tableaux sur ce thème peints par l’artiste dans les années 1830 [2], et en particulier avec l’Assomption, destinée à l’église Sainte-Geneviève [3] à Paris et réalisée entre 1828 et 1830. Cette aquarelle pourrait être préparatoire à ce dernier tableau. Si celui-ci est aujourd’hui perdu, il est possible de se faire une idée du traitement de ce sujet par Fragonard à travers la toile conservée actuellement dans l’église Saint-Patern à Vannes et datant de 1837 [4], la seule parmi les trois Assomptions recensées de l’artiste encore en place. Dans le dessin de Grenoble, comme dans le tableau de Vannes, Fragonard renoue avec la tradition iconographique héritée du XVIIe siècle qui montre la Vierge emportée dans les cieux par une nuée d’angelots. Mais s’ils la hissent sur leurs épaules dans le tableau, les quatre putti aux délicates boucles blondes semblent étonnamment détachés de la scène principale dans l’aquarelle : occupés à semer des fleurs, ils entourent la Vierge mais ont le corps et le regard tournés vers l’extérieur. Les nuages ont ici une épaisseur et une densité particulières : ils soutiennent les anges et la Vierge qui ne volent pas mais sont posés sur cette surface vaporeuse. La Madone – avec ses longs cheveux volants, son visage délicat, son corps souple, ses voiles tourbillonnants et son doux regard tourné vers la lumière – est traitée dans le dessin d’une manière beaucoup moins conventionnelle que dans la peinture, dont la facture est un peu sèche. Elle présente ici nombre de ressemblances avec la Vierge à l’Enfant que s’apprête à peindre Raphaël sous les traits de la Fornarina dans la toile Raphaël rectifiant la pose de son modèle [5]. Le dessin de Grenoble est-il une feuille préparatoire à une toile plus vaste ou une composition aboutie, sans aucun rapport avec un tableau d’église, ou encore une réduction autographe d’une œuvre existante ? Il est difficile de trancher. En effet, la taille imposante de cette aquarelle, ses tons porcelainés, son souci du détail, suggèrent que l’on est en présence d’une œuvre à part entière, peut-être destinée à être accrochée chez un particulier comme une image de dévotion privée. Encadrée comme telle à son entrée au musée – la trace de l’insolation sur son pourtour en témoigne – cette belle feuille, signée du seul patronyme « fragonard », provient de la collection d’Aristide Rey où elle figure par erreur comme une œuvre de Jean-Honoré.


[1] Décors en grisaille à la gloire de Napoléon, commandés sous l’Empire, en 1810.
[2] Communication écrite du 26 juillet 2017.
[3] Aujourd’hui Panthéon.
[4] AN, cote F/21/6, Assomption de la Vierge, M. Fragonard père (il s’agit bien d’Alexandre Évariste, appelé père pour le distinguer de son fils Théophile), 1837, église de Vannes. Il existe une autre mention pour une Assomption, par le même Fragonard, destinée à la cathédrale de Vannes et datant de 1831.
[5] Vers 1820, Paris, musée du Louvre, en dépôt à la Villa-musée Jean-Honoré Fragonard à Grasse.

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