Portrait de Paul Poiret

André DERAIN
1915
100 x 73 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Pierre Loeb en 1934
Localisation :
SA28 - Salle 28

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Si André Derain est considéré par certains comme l’une des figures pionnières du cubisme, initiant Picasso à l’art africain et trouvant, le premier, dans l’art de Cézanne une inspiration conduisant à la déconstruction des formes, il n’adhère cependant à cette esthétique que temporairement et seulement dans sa phase analytique. À partir de 1913, Derain renoue avec le genre du portrait dans une veine stylisée à l’extrême, où se lit à la fois l’influence de la géométrie cubiste, de l’expressivité de l’art nègre et de la frontalité des peintures byzantines et siennoises du Trecento, que l’artiste découvre à ce moment-là lors d’un voyage en Italie. Ce Portrait de Paul Poiret, grand couturier mais aussi collectionneur d’art chinois, d’art africain et de peinture cubiste, illustre parfaitement ces influences croisées. Le hiératisme du personnage, traité comme une carte à jouer sans épaisseur dans un camaïeu de beige et de blanc, les traits allongés et schématisés à la manière d’un masque, la carrure imposante du buste, tout concourt à donner du modèle une impression de calme imposant et de majesté. Cette image de lui-même, « qui s’attache à dégager [son] caractère qui, paraît-il, est despotique et vénitien », Paul Poiret la garda jalousement jusqu’au jour où sa situation financière l’obligea à s’en séparer. Dans ses mémoires parus en 1930, En habillant l’époque, le couturier raconte les circonstances dans lesquelles Derain fit son portrait en mars 1915, alors que tous deux étaient cantonnés à Lisieux, à l’hôtel des Maures, par les hasards de la mobilisation : « C’est dans ce décor mémorable mais misérable que Derain attaqua mon portrait. Je ne voulais pas être peint en soldat, ce costume étant fort peu de mon genre. » Ni mondain ni anecdotique, ce portrait tente de dégager l’essence du personnage, dans un style à la fois raffiné et sobre. La couleur, réduite au bleu intense du fauteuil, au blanc nuancé de gris de la veste et du mur et au brun rouge de la pipe, de la cravate et du gilet, est ici strictement canalisée dans les lignes du dessin, dans une démarche somme toute classique, annonçant le retour à l’ordre du début des années 20.

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