Le Taureau

Eugène BURNAND
1903
39,9 x 54 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de M. Louis Lacroix en 1948

Voir sur navigart

Peintre suisse originaire du canton de Vaud, Eugène Burnand entre en 1872 à l’École des beaux-arts de Paris dans l’atelier de Jean-Léon Gérôme, en même temps que Jules Bastien-Lepage et Adolphe Dagnan-Bouveret . C’est dans la peinture animalière que s’exprime le mieux son talent, en particulier dans les scènes montrant des vaches, bœufs et taureaux, seuls ou en troupeaux, des juments et leurs poulains, des ânes et des moutons, qui représentent presque le tiers de sa production. Cette peinture aux tonalités rurales relève du naturalisme le plus orthodoxe, alliant réalisme scientifique et social, rendu académique et libération chromatique issue de l’impressionnisme, très en vogue dans les années 1880. Le format monumental de ses peintures, exécutées d’après nature, transforme ces scènes de vie quotidienne en véritables pages d’une histoire rurale contemporaine, mettant la Suisse à l’honneur sur les cimaises du Salon parisien. C’est au Salon de 1885 que son Taureau dans les Alpes propulse véritablement Eugène Burnand sur la scène artistique et le consacre comme grand rénovateur de la peinture alpestre. « Me voilà bien ancré dans la peinture suisse, dans la pastorale helvétique et moderne », écrit-il à ses parents au lendemain de son succès[1]. S’il se tourne vers la peinture d’histoire et les sujets religieux dans les années 1890, l’artiste renoue avec les grands panoramas ruraux et animaliers au tournant du siècle. Son dernier grand tableau manifeste, le monumental Labour dans le Jorat de 1915-1916, met en scène un attelage de chevaux et de bœufs qu’il installe en plein champs et peint d’après nature dans un souci de vérité archéologique. Ce grand dessin aux crayons de couleur, daté de 1903, relève du même souci naturaliste et montre un taureau de la race suisse Simmental, attaché dans une cour de ferme. « Il est plus haut en couleur – sa robe flambe au soleil comme un drapeau suisse », rapporte l’artiste dans ses Souvenirs de famille[2]. Plus qu’un représentant quelconque de sa race, ce taureau est un individu particulier et traité à la manière d’un portrait. C’est en effet au portrait que l’artiste réserve cette technique. On compte dans le catalogue raisonné établi par l’artiste, seulement trois grands dessins aux crayons de couleur, datés pareillement de 1903[3], tous des portraits. L’artiste a finement observé la couleur de la robe tachetée, la robustesse de l’ossature et de la musculature, la démarche et l’expression de la bête. Il n’hésite d’ailleurs pas à acheter un taureau ou un bœuf pour les besoins particuliers d’une toile, ne laissant aucune place à l’imagination dans sa tentative de recréation du réel. Ce dessin est entré en 1948 au musée de Grenoble en même temps qu’une peinture de l’artiste, La Gardeuse de moutons (MG 2975), et deux autres dessins dus à des artistes suisses : La Cardeuse de laine arabe _, de son beau-frère Eugène Girardet et _Le Pâtre à l’olifant _ de Karl Bodmer. Tous proviennent de la collection de Louis Lacroix, homme de lettres et critique d’art, auteur de _L’Homme aux poupées, ami d’Andry-Farcy et grand admirateur de l’esprit moderne insufflé par celui-ci au musée de Grenoble.


[1] Lettre d’Eugène Burnand à ses parents, le 15 mars 1885, Lausanne, Bibliothèque cantonale et universitaire, département des Manuscrits, fonds Eugène Burnand, IS 4989. Cité par Philippe Kaenel, Eugène Burnand, la peinture d’après nature, Yens-sur-Morges, Cabedita, 2006, p. 34.
[2] Souvenirs de famille, fol. 218, coll. privée. Cité par Philippe Kaenel, op. cit., p. 201. Philippe Kaenel précise (p. 249) que « la race tachetée rouge et blanche est également la race vaudoise par excellence, depuis que le gouvernement cantonal l’a encouragée au détriment des autres races en 1888 ».
[3] Liber veritatis III, section II. Divers grands dessins : Portrait de M. Franck Lombard, 1903, crayons de couleur ; Portrait de Mme Franck Lombard, 1903, crayons de couleur ; Portrait de Melle Marguerite Monnier, crayons de couleur, Liber veritatis, 3 vol ; coll. privée, cit. par Philippe Kaenel, op. cit., p. 265.

Découvrez également...