Etude pour un mariage mystique de sainte Catherine en présence d'un prélat

Francesco CAIRO
XVIIe siècle
Pinceau et lavis d'encre brune, sur un tracé au crayon graphite sur papier vergé beige
29,1 x 20,4 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (lot 2942)

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L’ancienne attribution à Alessandro Magnasco (1667-1749) était loin d’être absurde. On sait, en effet, que ce peintre d’origine génoise et ayant exercé un certain temps à Milan, réalisait de puissantes études de composition au pinceau, sur des papiers de couleur chamois comparables au dessin grenoblois. Mais celui-ci revient à un peintre milanais de deux ou trois générations antérieures, Francesco Cairo. Il est vrai que cette confusion a pu être nourrie par le fait que l’œuvre graphique de Francesco Cairo se limitait jusqu’à présent à une seule feuille autographe, préparatoire à une peinture. Ce dessin constitue la deuxième pièce de son bien maigre corpus et appartient, qui plus est, au même dossier génétique que la feuille naguère esseulée conservée aux Offices[1] : il étudie la composition d’une pala aujourd’hui conservée au musée des Augustins à Toulouse , peinte pour le maître-autel de l’église Santa Caterina di Brera à Milan aux alentours des années 1641-1645, peu après le voyage que le peintre accomplit à Rome. Entre le dessin des Offices et le dessin de Grenoble, peu de différences sont à noter : le format de la feuille est pratiquement le même, les caractéristiques stylistico-techniques sont fort proches et la disposition des figures ne varie pas d’une feuille à l’autre (au centre la Vierge à l’Enfant, lequel scelle son union avec sainte Catherine dont les attributs sont clairement visibles à ses pieds, la roue de son martyre, la couronne et l’épée, saint Joseph en haut du groupe, figuré comme suspendu dans la végétation et enfin, un cardinal en prière identifiable grâce à son chapeau, qui selon Francesco Frangi serait Frédéric Borromée). Le dessin de Grenoble est toutefois plus schématique dans le traitement des contours internes et externes des figures, ce qui fait dire qu’il s’agit très certainement d’une primo-étude de composition, précédant celle de Florence dont les termes structurateurs semblent plus aboutis, tant du côté de la définition des formes que du côté technique (pose notamment de rehauts de blanc). Cette proximité dispositionnelle amène à se poser la question du statut de chacun des dessins. Le dessin des Offices a pu servir, à un moment déterminé du processus préparatoire, de modello final. Pour des raisons que nous ne connaissons pas exactement, cette fonction a été suspendue peut-être par le commanditaire du tableau. L’ajout dans l’œuvre peinte d’un ange, tenant une crosse et un chapeau de cardinal, est à l’origine de cette suspension et a sûrement été exigé pour mieux spécifier le statut du personnage représenté, à la fois archevêque de Milan et cardinal. Un autre modello a pu du coup être réalisé, intégrant ces éléments (ainsi qu’une mitre que l’on voit en bas à droite dans le tableau). Quant au dessin de Grenoble, il peut être considéré comme une pièce intermédiaire entre les recherches antérieures, qui malheureusement ne sont pas parvenues jusqu’à nous (et qu’il synthétise), et le dessin des Offices. C’est à proprement parler un document de travail non montrable alors que le modello potentiel et provisoire de Florence a pu avoir une fonction de monstration, destinée à recevoir des commentaires émis par les instances commanditaires.
Giulio Bora, à juste titre, s’était interrogé sur la matière stylistique du dessin des Offices et avait relevé combien celle-ci était proche de certains stylèmes vandyckiens. Van Dyck, on le sait, travaille à Gênes entre 1621 et 1627. Il ne serait pas étonnant que Cairo ait vu, peut-être dans cette ville, des dessins de l’artiste flamand (ou/et des bozzetti) réalisés au pinceau, ou qu’à Milan, il ait été amené à en voir.


[1] Inv. n. 9146 S. Plume et encre brune, lavis d’encre brune, rehauts de blanc sur papier préparé en brun, 29,5 x 21 cm. Ce dessin a été identifié en 1983 par Giulio Bora in Varese, 1983, no D5, p. 212-213. Il portait une attribution ancienne à Cairo mais le tableau de Toulouse n’ayant pas encore été redécouvert, cette attribution n’avait pu être entérinée.

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