Etude pour un mariage mystique de sainte Catherine en présence d'un prélat
L’ancienne attribution à Alessandro Magnasco
(1667-1749) était loin d’être absurde. On sait,
en effet, que ce peintre d’origine génoise et ayant
exercé un certain temps à Milan, réalisait de
puissantes études de composition au pinceau,
sur des papiers de couleur chamois comparables
au dessin grenoblois. Mais celui-ci revient à un
peintre milanais de deux ou trois générations
antérieures, Francesco Cairo. Il est vrai que cette
confusion a pu être nourrie par le fait que
l’œuvre graphique de Francesco Cairo se limitait
jusqu’à présent à une seule feuille autographe,
préparatoire à une peinture. Ce dessin constitue
la deuxième pièce de son bien maigre corpus et
appartient, qui plus est, au même dossier
génétique que la feuille naguère esseulée
conservée aux Offices[1] : il étudie la
composition d’une pala aujourd’hui conservée
au musée des Augustins à Toulouse ,
peinte pour le maître-autel de l’église Santa
Caterina di Brera à Milan aux alentours des
années 1641-1645, peu après le voyage que le
peintre accomplit à Rome. Entre le dessin des
Offices et le dessin de Grenoble, peu de différences
sont à noter : le format de la feuille est
pratiquement le même, les caractéristiques
stylistico-techniques sont fort proches et la
disposition des figures ne varie pas d’une feuille
à l’autre (au centre la Vierge à l’Enfant, lequel
scelle son union avec sainte Catherine dont les
attributs sont clairement visibles à ses pieds, la
roue de son martyre, la couronne et l’épée, saint
Joseph en haut du groupe, figuré comme
suspendu dans la végétation et enfin, un
cardinal en prière identifiable grâce à son
chapeau, qui selon Francesco Frangi serait
Frédéric Borromée). Le dessin de Grenoble est
toutefois plus schématique dans le traitement
des contours internes et externes des figures, ce
qui fait dire qu’il s’agit très certainement d’une
primo-étude de composition, précédant celle de
Florence dont les termes structurateurs
semblent plus aboutis, tant du côté de la définition
des formes que du côté technique (pose
notamment de rehauts de blanc). Cette proximité
dispositionnelle amène à se poser la
question du statut de chacun des dessins. Le
dessin des Offices a pu servir, à un moment
déterminé du processus préparatoire, de modello
final. Pour des raisons que nous ne connaissons
pas exactement, cette fonction a été suspendue
peut-être par le commanditaire du tableau.
L’ajout dans l’œuvre peinte d’un ange, tenant
une crosse et un chapeau de cardinal, est à l’origine
de cette suspension et a sûrement été exigé
pour mieux spécifier le statut du personnage
représenté, à la fois archevêque de Milan et
cardinal. Un autre modello a pu du coup être
réalisé, intégrant ces éléments (ainsi qu’une mitre
que l’on voit en bas à droite dans le tableau). Quant au dessin de Grenoble, il peut être considéré
comme une pièce intermédiaire entre les
recherches antérieures, qui malheureusement ne
sont pas parvenues jusqu’à nous (et qu’il synthétise),
et le dessin des Offices. C’est à proprement
parler un document de travail non montrable
alors que le modello potentiel et provisoire de
Florence a pu avoir une fonction de monstration,
destinée à recevoir des commentaires émis
par les instances commanditaires.
Giulio Bora, à juste titre, s’était interrogé sur la
matière stylistique du dessin des Offices et avait
relevé combien celle-ci était proche de certains
stylèmes vandyckiens. Van Dyck, on le sait,
travaille à Gênes entre 1621 et 1627. Il ne serait
pas étonnant que Cairo ait vu, peut-être dans
cette ville, des dessins de l’artiste flamand (ou/et
des bozzetti) réalisés au pinceau, ou qu’à Milan,
il ait été amené à en voir.
[1] Inv. n. 9146 S. Plume et encre brune, lavis d’encre brune, rehauts de blanc sur papier préparé en brun, 29,5 x 21 cm. Ce dessin a été identifié en 1983 par Giulio Bora in Varese, 1983, no D5, p. 212-213. Il portait une attribution ancienne à Cairo mais le tableau de Toulouse n’ayant pas encore été redécouvert, cette attribution n’avait pu être entérinée.
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