Etude d'un homme drapé assis, les mains appuyées sur un bâton

Bartolomeo CESI
XVIIe siècle
Sanguine, rehauts de craie blanche, trait d'encadrement rapporté à la plume et à l'encre brune, sur papier vergé vert-gris filigrané doublé, de forme cintré en haut
18,5 x 13,3 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (lot 2942).

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Bartolomeo Cesi est une figure singulière dans l’histoire de la peinture bolonaise de la fin du XVIe siècle. Formé par les derniers représentants du maniérisme bolonais et émilien, il est imprégné de culture tibaldesque [1], appréhendée principalement à travers la manière d’un Nosadella dont il fut, selon Malvasia, l’élève. Et c’est, comme nombre de ses pairs, un peintre qui observe attentivement le travail des Carrache, fondé sur une étude combinée de la nature et des grands maîtres de la peinture, à partir des années 1580 et des premières années de la décennie suivante. Cette « réforme », pour reprendre un terme consacré par l’historiographie ancienne, se lit pourrait-on dire en amont de la peinture, c’est-à-dire, dans le dessin. Malvasia, dans la Vie qu’il consacre au peintre, a finement remarqué, en analysant le travail graphique de Cesi, combien ce peintre-dessinateur se fait scrutateur minutieux des formes humaines dans une sorte de confrontation émulative avec les Carrache: « il ne faisait jamais d’œuvres qui n’aient été étudiées parties par parties d’après le réel, les unissant ensuite toutes ensemble. Il en tirait une disposition bien accordée et bien en place en posant les figures sur des plans optiquement réduits au point et bien dégradés. C’est la raison pour laquelle tant de dessins de sa main se voient chez les amateurs [2] ». Le dessin de Grenoble rentre parfaitement dans ces observations : c’est très certainement un dessin réalisé d’après le modèle, à l’instar de nombre de feuilles de sa main tracées également à la sanguine, éparpillées dans les cabinets du monde occidental. Dire cela, c’est inférer un jugement à partir de signes caractéristiques que l’habitude historiographique affilie au dessin d’après le modèle vivant. Ceux-ci résident principalement dans la conduite ferme du tracé et dans la présence d’un élément que l’on retrouve sur d’autres dessins, le bâton sur lequel sont appuyées les mains de la figure. Cet élément permet de maintenir pendant la durée de la séance de pose les membres anatomiques dans la position voulue en atténuant les effets de la fatigue. Mais ce qui caractérise par dessus tout un dessin d’après le modèle est l’attention portée au rendu des volumes, aux contrastes d’ombre et de lumière structurant les formes, notamment les plis du drapé. Ce type de dessin était ensuite soigneusement gardé par le peintre qui, très souvent, les réutilisait dans une composition historiée. Prenons l’exemple d’un dessin conservé aux Offices montrant deux garzoni de l’atelier du peintre s’embrassant au sens premier du terme. Cesi reprend la pose des deux jeunes hommes dans un tableau représentant une Visitation. La question du décorum et des convenances, c’est-à-dire de la mise en contextualisation diégétique, ayant été étudié très certainement dans un autre dessin. Le dessin de Grenoble n’a pas trouvé à l’heure actuelle de correspondant exact dans une peinture du maître. On peut seulement, comme l’a fait Catherine Loisel, le mettre en rapport avec un dessin conservé à Hambourg étudiant un jeune homme imberbe dans une pose similaire, les mains posées sur un bâton, le visage en revanche tourné vers la droite[3]. Pourrait-on envisager que sa fin iconographique était de préparer la figure d’un saint Joseph, se reposant pendant la fuite en Égypte ou assistant à la Nativité ? À moins qu’il ne s’agisse de la figure d’un apôtre, comme pour le dessin de Hambourg préparant un tel personnage dans une Assomption (Sienne, Dôme) datant de 1594.


[1] C'est-à-dire du peintre Pellegrino Tibaldi.
[2] « Non fecemai opra che non lo vedesse dal vero a parte a parte, unendole poi tutte insieme e cavandone la disposizione ben intesa e ben poste, e posanti le figure su’ piani ottimamente ridotti al punto e ben degradati ; ond’è che tanti disegni di sua mano si vedano fra dilettanti », Malvasia, 1678 (éd. 1841), I, p. 242 ; cité par Zacchi, 1997, p. 131.
[3] Inv. 21132.

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