Paysage hollandais

Alphonse STENGELIN
1885
24,6 x 40,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Gagné par la Ville à la loterie organisée pour ériger un monument à Claude Lorrain en 1886

Voir sur navigart

Ce dessin d’Alphonse Stengelin entre littéralement par hasard dans les collections de la Ville de Grenoble, à la suite d’une tombola organisée en 1886 en soutien au projet de Monument à Claude Lorrain[1], dont la réalisation est confiée à Auguste Rodin en 1889. L’artiste lyonnais s’est fait une spécialité des vues de Hollande qu’il présente régulièrement à partir de 1878 aux Salons, comme peintre ou dessinateur. Ainsi, le livret de l’exposition de 1885 de la Société des amis des arts de Lyon mentionne sous le n°583 une Vue de Hollande (dessin au bistre). La même année, il participe à la publication du Salon-artiste : album de dessins originaux d'après les œuvres exposées, avec un dessin préparatoire pour Dunes de Hollande, présenté à Paris. Nous n’avons pas connaissance d’un lien aussi direct entre le dessin de Grenoble et un tableau, tout juste peut-on dire qu’il se rattache à un corpus assez dense de paysages drenthois, auquel appartient aussi la peinture conservée dans la collection, Ferme, sous-bois en Hollande (MG 1435). Un premier voyage en 1875 ou 1876 est suivi, peu de temps après, par l’installation durable de l’artiste en Hollande, entre le petit village de pêcheurs de Katwijk et celui d’Hooghalen, dans la province de la Drenthe, « la pauvre Hollande » comme on l’appelle alors. Il y retrouve le pays de Ruysdael, Van Goyen ou Hobbema dont – encore élève de Joseph Guichard à l’école des beaux-arts de Lyon – il copie ardemment les toiles, suivant là le tropisme hollandais qui marque l’École lyonnaise de paysage[2]. Les noms des grands peintres hollandais du XVIIe siècle ne cessent d’ailleurs de revenir sous la plume des critiques, situant Stengelin dans un entre-deux à la fois géographique et temporel[3]. Certains voient même dans son travail une formule ressassée par un « Hollandais de Musée » qui « envoie toujours le même tableau »[4]. D’autres apprécient le symbolisme latent, sensible dans ce dessin, « la saveur étrange des sites de la Drenthe » et « l’atmosphère opaque des régions du Nord, sorte de gaze flottante à travers laquelle toutes choses apparaissent à l’état d’esquisse, dans une sorte d’indécision, qui laisse le champ libre à la rêverie »[5]. Dans cette feuille aboutie, l’artiste use à merveille des noirs plus ou moins profonds pour bâtir les quelques éléments de son paysage désolé : des fermes à l’architecture caractéristique de la Drenthe, quelques arbres dépouillés et fouettés par le vent et la pluie. Une petite silhouette dans la trouée centrale donne l’échelle du paysage. La couleur claire du papier joue ici le rôle d’une tache de lumière irradiant faiblement dans les lointains et baignant le village dans une atmosphère nostalgique. Pour son biographe Ernest Christen, dans les œuvres de Hooghalen, « le peintre livre son âme grave et solennelle en un adagio sostenuto e molto espressivo »[6]. Usant d’une même métaphore musicale, un autre critique reconnaît en Stengelin un de ces « peintres familiarisés avec les tons de la gamme mineure, ceux qui traduisent en musique la plainte et la mélancolie »[7].


[1] Claude Gellée, dit Le Lorrain.
[2] Voir Paysagistes lyonnais, 1800-1900, catalogue d’exposition, Lyon, Musée des beaux-arts, 1884, p. 31-32.
[3] « Certainement M. Stengelin a fait ses deux marines il y a 150 ans » ironise ainsi un critique, Le Nouvelliste, 15 mars 1880.
[4] P. Bertnay, Le Courrier de Lyon, 16 mars 1884.
[5] Henry Jouin, L’Œuvre d’art, revue bimensuelle illustrée, 5 octobre 1895.
[6] Ernest Chisten et Roger Oberkampf de Dabrun, Alphonse Stengelin van Katwijk, sa vie, son œuvre, 1932, p. 23.
[7] Perrin, Le Salut public, 19 février 1886.

Découvrez également...