Louis XII sur son lit de mort bénit François Ier après lui avoir donné ses derniers conseils

Merry-Joseph BLONDEL
1816
27,4 x 33,3 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don Georges MARJOLIN en 1887

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Élève de Jean-Baptiste Regnault, prix de Rome en 1803, Merry-Joseph Blondel débute au Salon de 1806 une brillante carrière de portraitiste, de peintre d’histoire et de décorateur. On lui doit de nombreuses figures de rois et de grands personnages, commandées pour la salle des Croisades au château de Versailles, mais aussi des décors de plafonds pour les salles du palais du Louvre, mettant en scène des moments-clés de l’histoire nationale. Ce goût « troubadour », très en vogue dans la première moitié du siècle, s’exprime chez lui dans une esthétique clairement néoclassique. Ce dessin, inscrit par erreur dans l’inventaire sous le nom de « Blondet », a été fort justement rendu à Merry-Joseph Blondel à l’occasion d’une publication sur l’architecture de la mort dans la revue Monuments historiques en 1982. Il s’agit en fait d’une étude très aboutie, signée et datée de 1816, pour La Mort de Louis XII surnommé le père du peuple que l’artiste présente au Salon de 1817 [1]. Valant à son auteur la Médaille d’or du jury, cette imposante peinture est envoyée la même année par l’État au musée des Augustins de Toulouse où elle se trouve toujours. Les inscriptions portées à l’encre sur le montage du dessin apportent un éclairage intéressant sur la genèse de l’œuvre. On y apprend que le sujet est tiré de l’ouvrage de Florian, Éloge de Louis XII [2]. L’artiste a respecté à la lettre la trame iconographique proposée par le texte : «[Louis XII] sentit approcher sa dernière heure, et voulut encore qu’elle fut utile. Il fit appeler le jeune François son gendre et son successeur ; et ne retenant avec lui que le brave la Trimouille, le garde des Sceaux Poncher, et Bayard le chevalier sans reproche, Louis XII dit ces paroles à l’héritier de son trône. […] Je vais mourir, mais mon peuple reste ; c’est de lui qu’il faut s’occuper.» La scène se passe dans la chambre du roi au palais des Tournelles le 1er janvier 1515. Louis XII est étendu sur un lit avec à son chevet le fidèle Étienne Porcher, évêque de Paris, son familier et ami. Le jeune duc de Valois, futur François Ier, est agenouillé auprès du souverain qui le bénit de la main. Pierre du Terrail, le chevalier Bayard, figure historique de l’Isère, loué pour sa bravoure lors des guerres d’Italie, est debout au pied du lit, tout en armure et les mains en prière. Quand à Louis II de la Trémoille, compagnon d’armes de Charles VIII et de Louis XII, il se cache le visage de désespoir. Au loin, on devine ce peuple auquel le roi dédie ses dernières pensées. Le dessin, réalisé sur calque [3] à la plume et à l’encre noire, avec des rehauts de gouache blanche, présente de nombreuses différences avec le tableau final. Le décor a été très modifié : le mur et le socle sur lequel étaient disposées les armures a disparu au profit d’une grande draperie, les arcades à fleurons gothiques remplacent les voûtes, la balustrade s’est ornée de décors Renaissance à rinceaux. Surtout, la scène s’est recentrée sur les personnages principaux dont les attitudes et les costumes ont été revus. Le roi a perdu sa couronne et son visage, tourné vers Porcher, a été plongé dans l’ombre quand la lumière se concentre sur le front du jeune François [4]. Le tracé précis, la vérité des costumes et de l’architecture, la noblesse des attitudes, vaudront à l’œuvre de Merry-Joseph cette appréciation élogieuse de la part de Edme Miel : « L’effet général du tableau est religieux, imposant, pathétique. Cette composition fait honneur à l’âme et à l’esprit de l’artiste, aussi bien qu’à son talent [5]. »


[1] Le Salon de 1817 est le premier Salon de la Restauration. Le nombre d’œuvres évoquant les épisodes de la vie des souverains du Moyen Âge et de la Renaissance y est très important. Il s’agit de faire oublier les épisodes de la Révolution et de l’Empire et de renouer avec le passé monarchique de la France.
[2] Éloge de Louis XII, roi de France, surnommé Père du peuple par M. de Florian, capitaine des dragons, et gentilhomme de S. A. S. Mgr le duc de Penthièvre, des académ. de Madrid, de Lyon, etc., Paris, 1785.
[3] Voir à ce sujet cat. 1. Rares sont les calques connus dans la production graphique de Merry-Joseph Blondel. Pourtant, on en trouve mention dans le catalogue de la vente après décès qui s’est tenue les 12 et 13 décembre 1853 à Drouot, sous le no 94 : « Croquis de paysages, études diverses, calques en volumes et livres de croquis, seront divisés sous ce numéro. »
[4] Pour Edme François Antoine Marie Miel, dans son Essai sur les beaux-arts, et particulièrement sur le Salon de 1817, Paris, 1818, p. 103 : « Cette disposition est poétique. L’un va bientôt briller de tout l’éclat du trône, tandis que l’autre va s’éclipser et s’éteindre. »
[5] Ibid., p. 104.

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