Vue pittoresque de ruines romaines

Jan ASSELIJN (attribué à)
un peu avant 1640
Lavis d'encre brune sur dessin sous-jacent à la pierre noire, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vergé crème (angle supérieur gauche ajouté)
26,7 x 40,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (Lot 3548, n°1769)

Voir sur navigart

Empreintes d’une grande poésie, les oeuvres de Jan Asselijn charment l’oeil par la perfection du dessin et les clairs-obscurs harmonieux. Charles Blanc, dans son Histoire des peintres de toutes les écoles parue dès 1853, est le premier à consacrer une longue et fine étude à l’oeuvre de cet artiste subtil. Né sans doute à Dieppe en Normandie, Asselijn se forme à Amsterdam où sa famille émigre quelques années après sa naissance, soit pour des raisons confessionnelles, soit pour des raisons économiques.
Le maître de Jan Asselijn est Jan Martzsen le Jeune (MG D 775). Dans un premier temps, Asselijn peint et dessine les sujets de prédilection de son maître : les scènes de bataille et les cavaliers. Il passe ensuite plus d’une décennie en Italie et en France, entre 1636 et 1647. À Paris, il devient l’un des plus habiles paysagistes italianisants de sa génération, en peignant notamment des paysages pour les cabinets des hôtels particuliers. Ces paysages pittoresques, propices au rêve, à la contemplation et à l’évasion, sont l’une des spécificités de l’artiste. Ils se distinguent par des architectures bien observées et un dessin des figures parfaitement maîtrisé. Les musées français conservent des oeuvres tout à fait représentatives de son style[1]. Marié à Lyon en 1644 à une Flamande, l’artiste est de retour à Amsterdam où il continue à peindre de grandioses paysages italianisants. Il meurt prématurément six ans plus tard.
Environ cent soixante dessins d’Asselijn sont aujourd’hui connus. Le paysage de Grenoble, daté de la fin des années 1630, s’inscrit donc dans sa période romaine. Le lieu représenté semble avoir attiré les peintres néerlandais car un certain nombre de dessins et de peintures de ce site pittoresque existent : une feuille au Rijks-prentenkabinet d’Amsterdam, par exemple, attribuée à un suiveur de Breenbergh, et une autre au cabinet d’art graphique de Nancy due à un autre artiste hollandais italianisant[2]. L’endroit, non identifié, est une sorte d’auberge ou de halte. On s’imagine que les voyageurs, y compris les artistes, parcourant les environs de Rome à la recherche de motifs et de scènes à dessiner, s’y arrêtent pour se reposer, se désaltérer et abreuver leurs chevaux. Le style d’Asselijn est directement inspiré de celui de Breenbergh : il se sert du pinceau avec rapidité et précision, rehaussant ensuite ses feuilles de grandes plages de lavis. Les effets atmosphériques, propres aux pays méditerranéens, sont ainsi rendus avec une fidélité sans précédent, et cela donne au dessin un aspect pictural qui séduit les amateurs de l’époque.
Le dessin de Grenoble était attribué à Thomas Wyck, qui a eu l’occasion de représenter la même cour dans une peinture et un dessin[3]. Dans ce dernier, l’atmosphère diffuse et vibrante est caractéristique du style de Wyck et, chez lui, les personnages sont plus esquissés et plus élancés que chez Asselijn. Sur la feuille de Grenoble, on observe la silhouette voûtée d’un passant dans la porte d’entrée ouverte sur la cour qui correspond bien au canon des figures utilisé par Asselijn. Son attribution, proposée pour la première fois par Peter Schatborn, nous paraît pour l’instant la plus pertinente.


[1] Caen, musée des beaux-arts, Inv. n° M 68 1 1 ; Montpellier, musée Fabre, Inv 825-1-4 ; Nantes, musée des beaux-arts, Inv. 501 ; Paris, musée du Louvre, Inv. 984-986.
[2] Voir Schatborn, 2001, p. 17-18, et Joulie, 2006-2007, p. 147, fig. 2.
[3] Atlanta, High Museum of Art, et ancienne collection Geiger, Venise ; voir Schatborn, 2001, p. 18, fig. 17-18.

Découvrez également...