Vue pittoresque de ruines romaines

Empreintes d’une grande poésie, les oeuvres de
Jan Asselijn charment l’oeil par la perfection
du dessin et les clairs-obscurs harmonieux.
Charles Blanc, dans son Histoire des peintres de
toutes les écoles parue dès 1853, est le premier
à consacrer une longue et fine étude à l’oeuvre
de cet artiste subtil. Né sans doute à Dieppe
en Normandie, Asselijn se forme à Amsterdam
où sa famille émigre quelques années après sa
naissance, soit pour des raisons confessionnelles,
soit pour des raisons économiques.
Le maître de Jan Asselijn est Jan Martzsen le
Jeune (MG D 775). Dans un premier temps, Asselijn
peint et dessine les sujets de prédilection
de son maître : les scènes de bataille et les cavaliers.
Il passe ensuite plus d’une décennie en
Italie et en France, entre 1636 et 1647. À Paris, il
devient l’un des plus habiles paysagistes italianisants
de sa génération, en peignant notamment
des paysages pour les cabinets des hôtels
particuliers. Ces paysages pittoresques, propices
au rêve, à la contemplation et à l’évasion,
sont l’une des spécificités de l’artiste. Ils se distinguent
par des architectures bien observées
et un dessin des figures parfaitement maîtrisé.
Les musées français conservent des oeuvres
tout à fait représentatives de son style[1]. Marié
à Lyon en 1644 à une Flamande, l’artiste est de
retour à Amsterdam où il continue à peindre
de grandioses paysages italianisants. Il meurt
prématurément six ans plus tard.
Environ cent soixante dessins d’Asselijn sont
aujourd’hui connus. Le paysage de Grenoble,
daté de la fin des années 1630, s’inscrit donc
dans sa période romaine. Le lieu représenté
semble avoir attiré les peintres néerlandais car
un certain nombre de dessins et de peintures de
ce site pittoresque existent : une feuille au Rijks-prentenkabinet d’Amsterdam, par exemple,
attribuée à un suiveur de Breenbergh, et une
autre au cabinet d’art graphique de Nancy due
à un autre artiste hollandais italianisant[2]. L’endroit,
non identifié, est une sorte d’auberge
ou de halte. On s’imagine que les voyageurs,
y compris les artistes, parcourant les environs
de Rome à la recherche de motifs et de scènes à
dessiner, s’y arrêtent pour se reposer, se désaltérer
et abreuver leurs chevaux. Le style d’Asselijn
est directement inspiré de celui de Breenbergh :
il se sert du pinceau avec rapidité et précision,
rehaussant ensuite ses feuilles de grandes plages
de lavis. Les effets atmosphériques, propres aux
pays méditerranéens, sont ainsi rendus avec
une fidélité sans précédent, et cela donne au
dessin un aspect pictural qui séduit les amateurs
de l’époque.
Le dessin de Grenoble était attribué à Thomas
Wyck, qui a eu l’occasion de représenter
la même cour dans une peinture et un dessin[3].
Dans ce dernier, l’atmosphère diffuse et
vibrante est caractéristique du style de Wyck
et, chez lui, les personnages sont plus esquissés
et plus élancés que chez Asselijn. Sur la feuille
de Grenoble, on observe la silhouette voûtée
d’un passant dans la porte d’entrée ouverte
sur la cour qui correspond bien au canon
des figures utilisé par Asselijn. Son attribution,
proposée pour la première fois par Peter
Schatborn, nous paraît pour l’instant la plus
pertinente.
[1] Caen, musée des beaux-arts, Inv. n° M 68 1 1 ; Montpellier, musée Fabre, Inv 825-1-4 ; Nantes, musée des beaux-arts, Inv. 501 ; Paris, musée du Louvre, Inv. 984-986.
[2] Voir Schatborn, 2001, p. 17-18, et Joulie, 2006-2007, p. 147, fig. 2.
[3] Atlanta, High Museum of Art, et ancienne collection Geiger, Venise ; voir Schatborn, 2001, p. 18, fig. 17-18.
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