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Nicolò DELL'ABATE
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX

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Entrée au musée avec la collection Mesnard, cette belle étude à la pierre noire de femme couronnée a été rendue à Nicolò dell’Abate par Sylvie Béguin en 1962 . Depuis cette publication, la restauration du dessin, qui était jadis doublé, a révélé au verso de la feuille originale une seconde étude à la plume, d’une remarquable qualité. D’une nature bien différente, ces deux dessins permettent d’évoquer les deux techniques utilisées par Nicolò pour la conception de ses compositions.
Actif en Émilie, essentiellement entre Bologne et Modène, Nicolò est appelé en France en 1552 par le roi Henri II. Décorateur et fresquiste déjà célèbre dans sa patrie, il devient, sur le chantier du château de Fontainebleau, le principal collaborateur du Primatice. Concepteur avant tout, Primatice fournit des dessins que Nicolò doit interpréter en peinture. Parallèlement, Nicolò obtient des commandes personnelles en dehors des chantiers bellifontains. Son activité est d’une grande variété. Il réalise aussi bien des grands décors à fresques que des cartons destinés aux arts décoratifs (tapisseries, émaux). Grand praticien, brillant coloriste maîtrisant parfaitement l’art du pinceau, Nicolò fait preuve dans ses créations d’une grande sensualité picturale.
La figure de reine, monumentale et précieuse, est proche des personnages féminins que l’on retrouve régulièrement dans les compositions du peintre en France. Sans correspondre à une œuvre précise, elle peut être rapprochée dans sa mise, son attitude et sa corpulence, de la fille du pharaon dans le dessin du Louvre représentant Moïse sauvé des eaux ou de la jeune captive drapée, de la Continence de Scipion (Paris, musée du Louvre), l’un des rares tableaux de chevalet de la période française de l’artiste aujourd’hui conservé.
Le style graphique et le costume de la reine permettent d’avancer quelques pistes hypothétiques quant à la destination et à la datation du recto du dessin. L’œuvre peut être rattachée d’un point de vue stylistique à un ensemble de grands dessins conservés au Louvre et montrant des divinités de l’Olympe et des allégories[1]. Ces derniers dessins, situés par Sylvie Béguin dans les dix dernières années de la vie de l’artiste, correspondent à la phase la plus productive de sa carrière française. C’est la période où sont conçus les décors du château de Fleury-en-Bière et de l’hôtel de Torpanne à Paris .
L’esquisse du verso est un bel exemple du style graphique de l’artiste lorsqu’il utilise la plume. D’un tracé nerveux et discontinu, la figure est rapidement mise en place[2] . Comme pour le recto, sans correspondre à une composition précise, la position de la figure, probablement une femme, se retrouve dans une série de dessins originaux ou des copies dessinées, datables également entre 1560 et 1570, conservant le souvenir de plusieurs scènes mythologiques illustrant les amours illégitimes de Zeus. Parmi ces derniers, citons en particulier Jupiter et Sémélé et Jupiter et Danaë . Ce prototype de femme nue allongée est une figure récurrente chez notre artiste et plus généralement dans l’art bellifontain.
La découverte du verso du dessin apporte un élément notable au corpus graphique de l’artiste qui compte parmi les plus importants dessinateurs de la Renaissance en France. La destruction d’une très grande partie de ses réalisations explique enfin la raison pour laquelle si peu de ses nombreux dessins peuvent aujourd’hui être mis en correspondance avec des peintures ou des tapisseries.


[1] Inv. 5851, 5852, 5853, 5858, 5873, 5874, 5875, 5876, 5887.
[2] A titre de comparaison voir au musée du Louvre : La Calomnie d’Appelle (Inv. 5877) ; Étude pour adoration des Bergers (Inv. 5830) et La Conversion de saint Paul (Inv. 5839).

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