Brodeuse

Thomas COUTURE
vers 1843
Crayon Conté et rehauts de craie blanche sur papier vergé gris vert
24,4 x 18,5 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3555, n°1046)

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La peinture de Thomas Couture incarne parfaitement l’éclectisme qui caractérise l’art des années 1840, à mi-chemin entre romantisme et réalisme, imprégnée des enseignements académiques mais ouvrant la voie vers la modernité. Si l’artiste doit sa célébrité à son immense toile Les Romains de la décadence, qui lui vaut un triomphe au Salon de 1847, il est aussi un portraitiste mondain, très couru dans les milieux de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie sous la monarchie de Juillet et le Second Empire. Dans son atelier, où l’enseignement du dessin occupe une place prépondérante, se forment des artistes comme Pierre Puvis de Chavannes et Édouard Manet. Dessinateur délicat, qui manifeste dans ses travaux préparatoires une liberté souvent absente de ses œuvres abouties, il use fréquemment d’une pierre noire assez grasse, qu’il rehausse parfois de quelques traits de craie blanche. Ses dessins portent un simple monogramme « T.C. ». Un certain nombre de portraits, ceux de l’écrivain George Sand ou du chansonnier Pierre-Jean de Béranger[1], sont des œuvres abouties, exécutées dans cette technique. De la même manière, cette petite feuille n’a pu être rapprochée d’aucun tableau de l’artiste et doit plus probablement appartenir à la sphère privée, simple notation d’un moment intimiste, à mi-chemin entre le portrait et la scène de genre. La femme, ainsi saisie dans un moment de calme, a abandonné un instant son ouvrage de broderie. Elle est vêtue d’une robe de ville en taffetas de soie, à manches ajustées et à col rabattu, laissant voir un liseré de lingerie que l’artiste souligne d’un trait de craie blanche. C’est le vêtement de jour d’une bourgeoise[2]. Sa coiffure à bandeaux, avec chignon plat enroulé large, très en vogue au début des années 1840, est proche de celle arborée par le modèle dans le Portrait de Madame de La Rivière[3]. Cette feuille provient de la collection Mesnard. Si aucun lien ne peut être trouvé entre Léonce Mesnard et Thomas Couture, il existe en revanche une relation entre ce dernier et le beau-père du collectionneur, Maxime David, éminent miniaturiste, à qui l’on doit de nombreux portraits de personnalités dans les années 1830-1840[4]. Une photo de son tableau Le Réaliste de 1865 est ainsi dédicacée : « Ce qu’il faut éviter dans l’art, Thomas Couture, à mon confrère Maxime David[5]. » On peut assez légitimement penser que c’est à Maxime David qu’a d’abord appartenu cette feuille avant d’entrer dans la collection de son gendre.


[1] Georges Sand, pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier anciennement bleu, monogrammé en b. à d. : « T.C. », 54,3 x 42,2 cm, Paris, musée Carnavalet, inv. D.7907 ; Pierre-Jean de Béranger, pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier anciennement bleu, monogrammé et daté en b. à d. : « T.C./1850 », 53 x 41 cm, Paris, musée Carnavalet, inv. D.5861.
[2] Nous devons à Alexandra Bosc, conservatrice au musée Galliera, cette description et la datation des éléments du costume et de la coiffure du modèle.
[3] Thomas Couture, Portrait de Madame de la Rivière, vers 1843, Beauvais, musée départemental de l'Oise, inv. 77.442.
[4] Voir à ce sujet, introduction sur la part de Maxime David dans la constitution de la collection Mesnard.
[5] Cité et reproduit dans Olivia Voisin et Thiery Cazaux, Thomas Couture, romantique malgré lui, Paris, 2015, p. 48, ill. 9.

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