Paysage d'orage

Jules DUPRÉ
vers 1870
Pierre noire et fusain, lavis d'encre gris et rehauts de craie blanche sur papier vélin bleu insolé
18,4 x 29,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins devant être présentés sur des cadres tournant autour d'un pivot, n°111)

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Originaire de Nantes, Jules Dupré commence très jeune à travailler dans la fabrique de porcelaines de son père avant d’entrer à Paris dans l’atelier de Jean-Michel Diebolt, paysagiste et peintre animalier. Les premiers paysages qu’il présente au Salon dès 1831 sont encore fortement nourris d’une solide formation néoclassique mais dénotent déjà une profonde sensibilité aux effets de lumière, empruntée aux peintres hollandais du XVIIe siècle, comme Van Goyen ou Ruysdael. Sa rencontre avec Paul Huet , Constant Troyon et surtout Théodore Rousseau, va considérablement modifier sa perception de la nature et le pousser à étudier celle-ci sur le motif. S’il est associé aux peintres de Barbizon, celui que Corot surnomme « le Beethoven du paysage » fréquente assez peu de temps la forêt de Fontainebleau dans les années 1840, lui préférant les bords de l’Oise, à L’Isle-Adam, où il installe un atelier avec son ami Rousseau. Sensible aux variations de lumière selon les saisons et les heures du jour, Jules Dupré ne cherche pas à portraiturer un site particulier mais à ordonner les différents éléments de la nature, mare, allée forestière, pâturage, moulin et bord de rivière, en un tout cohérent, unifié par le regard du peintre. C’est donc la plupart du temps dans le secret de l’atelier qu’il recrée cette nature, ne se confrontant au motif que pour l’observer et la comprendre à travers des études peintes ou des dessins. Car pour Dupré, « la nature est bête par elle-même, l’homme surtout ; l’artiste lui donne sa passion, ses effets, son langage enfin ; sans nous, elle ne serait rien[1] ». C’est bien le sentiment de la nature que l’artiste cherche à exprimer dans ses peintures mais aussi ses dessins, où les noirs veloutés de la pierre noire et du fusain parviennent à capter la lumière et traduire une atmosphère en quelques traits. Cette petite feuille montre une lande balayée par un orage, les tourbillons de vent qui agitent le ciel se répercutant dans les arbres et la végétation, également torturés. Comme souvent dans les œuvres de Dupré, un personnage – ici une paysanne et ses enfants –, donne l’échelle du paysage et l’humanise. Usant des différentes tonalités de gris et de noir, soulignant d’un trait de craie blanche les volutes d’un nuage, l’arête d’un buisson ou la ligne de l’horizon malmenée par un éclair, l’artiste nous donne à sentir le souffle de la tempête et le cri du vent. « Peindre l’air, peindre la lumière, deux choses complètement immatérielles, c’est à devenir fou[2] », confie l’artiste. Ce dessin, que Marie-Madeleine Aubrun dans son catalogue raisonné de l’artiste en 1982 date de la fin des années 1860 ou du début des années 1870, provient de la collection de Léonce Mesnard, tout comme le Paysage au crayon graphite, lui aussi légué en 1890 et le tableau Un Moulin, donné en 1887[3].


[1] Cit. dans cat. exp. L’Oise de Dupré à Vlaminck, bateliers, peintres et canotiers, L’Isle-Adam, musée d’art et d’histoire Louis-Senlecq, Paris, L’Isle-Adam, 2007, p. 78.
[2] Ibid., p. 49.
[3] Paysage, MG 1797 ; Un Moulin, MG 829.

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