Scène avec buveurs

Raymond LA FAGE
XVIIe siècle
Plume et encre brune, lavis gris, trait d'encadrement à la plume et à l'encre noire sur papier vergé crème
26,4 x 20 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3560, n°405).

Voir sur navigart

Dessinateur prolixe, Raymond La Fage , est, comme Verdier, omniprésent dans tous les grands cabinets d’arts graphiques. Le musée de Grenoble possède une dizaine de dessins, de qualité variable, classés sous le nom de l’artiste. Au sein de cet ensemble, la Scène avec des buveurs, entré avec la collection Mesnard, est le seul qui comporte une annotation (une signature ?) ancienne. De plus, nous pouvons mettre en relation la feuille avec le détail d’une composition plus vaste de La Fage, montrant les Noces de Cana, et connue par une estampe éditée par Van der Bruggen en 1689[1] .
En 1689, en introduction à la sélection des œuvres de La Fage qu’il édite en gravure, Van der Bruggen définit le dessinateur comme un égal de Michel-Ange mais cite aussi, parmi les maîtres auxquels il le compare, Raphaël et Annibal Carrache. De caractère fougueux, La Fage semble avoir été particulièrement attiré, parallèlement aux artistes modernes, par la puissance des premiers grands maniéristes romains comme Jules Romain ou Perino del Vaga dont il a étudié les œuvres à Mantoue et à Gênes. Le dessin de Grenoble en témoigne par la confrontation des corps, conçus par groupes compacts dans un espace mal défini. De manière régulière La Fage cite, dans ses compositions, des figures reprises des modèles illustres qu’il a observés. Ici le vieillard accoudé est probablement une citation d’après un maître.
Artiste singulier, autodidacte , Raymond La Fage a probablement été formé, comme le rapporte Mariette, à Toulouse. En 1678, il est à Paris où il se présente, sans succès, au concours de l’Académie. Grâce au soutien de Nicolas Foucault, intendant de Montauban, l’artiste prend le chemin de Rome où il remporte, en 1679, le concours de dessin de l’Académie de Saint-Luc. Il demeure une année en Italie. De retour en France en 1680, il se lie, à Aix-en-Provence, au parlementaire et collectionneur Boyer d’Aiguille et fait la connaissance du financier Pierre Crozat qui sera l’un de ses mécènes. Il se consacre exclusivement au dessin où il fait preuve d’une déconcertante créativité. Son style se caractérise, comme en témoigne cette Scène avec des buveurs, par un trait vibrant et nerveux à la fois rapide et très maîtrisé. Son écriture graphique hachée et spontanée lui vaudra un immense succès auprès des collectionneurs. Après un séjour à Paris et la réalisation d’une série de projets dessinés pour les Capitouls de Toulouse, il décide de reprendre le chemin de l’Italie en 1684. Ce second voyage lui sera fatal car il mourra en route, à Lyon, âgé de vingt-huit ans, après être tombé de son âne.
L’une des particularités de l’œuvre graphique de La Fage est d’avoir rapidement été apprécié des collectionneurs. Il est, avec Verdier, parmi les premiers artistes en France à exécuter des œuvres autonomes. Contrairement à Verdier qui est également peintre, La Fage, exclusivement dessinateur, conserve délibérément dans ses œuvres la fouge et la liberté d’une étude préparatoire. Ces artistes inaugurent, chacun à leur façon, le nouveau statut de création indépendante qu’allait acquérir le dessin durant le XVIIIe siècle.


[1] BNF, Est, Da 57 page en face du fol. 44, H. 29 ; L. 39. Une seconde estampe (Da 57 fol. 43, H. 67 ; L. 44) dans le même recueil montre uniquement la partie gauche de la composition qui correspond au dessin de Grenoble.

Découvrez également...