Bât de mulet

Jan WYCK
fin XVIIe siècle - début XVIIIe siècle
Pinceau et lavis d'encres grise et bleue sur dessin sous-jacent à la pierre noire, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune, sur papier vergé crème.
9,5 x 13,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3548, n°1816).

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Les collections de Grenoble conservent deux dessins au pinceau montrant des bâts de mulets. Alors qu’ils portent des attributions à deux artistes hollandais italianisants différents, ils nous semblent tous deux revenir à Jan Wyck. Celui présenté ici était donné à Carel du Jardin et le second à Jan Asselijn (MG D 1665). Il est assez surprenant de constater que deux oeuvres similaires, aussi bien par leur composition que par leur style, aient été attribuées à deux mains différentes alors qu’elles se trouvaient réunies dans la collection de Léonce Mesnard, à la fin du XIXe siècle. Leur attribution à Du Jardin ou à Asselijn n’était pourtant pas absurde, ces deux artistes représentant fréquemment dans leurs oeuvres des mulets munis de bâts.
Dans cette feuille, dessinée à la pierre noire et au lavis gris, Jan Wyck retient un objet qui lui est familier : en tant que peintre animalier renommé, notamment pour ses chevaux, les bâts de mulets font partie de son répertoire ordinaire.
Fils de Thomas Wyck, artiste italianisant célèbre pour ses scènes d’intérieur avec des scientifiques, Jan accompagne son père vers 1660 en Angleterre où il fait une belle carrière. Il travaille pour l’aristocratie anglaise et se spécialise, conformément au goût de ses commanditaires, dans les batailles, les chasses et les portraits de cavaliers[1]. Il peint et dessine aussi des vues de châteaux comme le montre le dessin au pinceau et au lavis à l’université de Yale, dont la technique n’est pas éloignée de celle du dessin de Grenoble[2]. D’autres dessins de Jan Wyck sont connus, comme des études de personnages et d’animaux, conservées à Édimbourg ou encore des paysages, qui se trouvent au British Museum à Londres. Une Course de chevaux s’est vendue le 10 juillet 2002 chez Sotheby’s à Londres pour un prix très élevé (107 000 livres) ce qui montre l’intérêt toujours très vif pour ce genre d’oeuvres. C’est la comparaison avec un dessin montrant des selles, conservé au Rijksprentenkabinet de Leyde[3] et signé « Wijk », qui nous permet d’attribuer les deux dessins de Grenoble à cet artiste. La technique est la même dans les trois feuilles ainsi que la mise en espace des objets en vue plongeante et le jeu contrasté des ombres et lumières, obtenu par le pinceau. Peintre souple et élégant, qui n’a pas encore attiré suffisamment l’attention sur lui, et paysagiste intéressant, Wyck figure parmi les nombreux artistes hollandais actifs en Angleterre à la toute fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, appréciés pour leur virtuosité technique et leur habileté à donner une image de la société aristocratique anglaise de l’époque. L’importance accordée au paysage et le traitement de la lumière sont des traits caractéristiques de son talent. Cette façon de dessiner le rapproche de Dirk Maas, autre peintre hollandais actif en Angleterre à la même période. Wyck et Maas, dans leur manière d’intégrer harmonieusement l’homme dans le paysage, jouent un rôle non négligeable dans l’éclosion de l’école de peinture anglaise du XVIIIe siècle.


[1] Il peint notamment le Portrait équestre du roi Guillaume III.
[2] Yale, Paul Mellon Collection, New Haven, voir Reynolds 1977, p. 268.
[3] Jan Wyck, Selles, Leyde, Rijksprentenkabinet, voir cat. exp. Amsterdam, 1956, n°146.

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