Un Basset

Aert SCHOUMAN
1764
Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé sous jacent à la pierre noire, trait d'encadrement à la plume et à l'encre brune sur papier vergé crème
8,6 x 14,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3548, n°1897)

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Aert Schouman est sans doute l’un des peintres et dessinateurs les plus importants et les plus productifs du XVIIIe siècle en Hollande. S’il produit aussi des portraits, quelques tableaux d’histoire et de genre ainsi que quantité de peintures décoratives[1], c’est surtout pour ses talents d’aquarelliste qu’il passe à la postérité. Il produit dans cette technique des dessins topographiques, des marines, des natures mortes, des copies d’après des tableaux anciens, mais il se spécialise avant tout dans les sujets animaliers. Artiste apprécié de ses contemporains, actif auprès de plusieurs sociétés savantes, il reçoit de multiples commandes de la noblesse et des riches marchands de Dordrecht, sa ville natale, puis de Middelburg et de La Haye, ville où il finira par s’installer à partir de 1753. Ce petit portrait de chien est sans aucun doute de la main d’Aert Schouman ainsi que l’a confirmé Charles Dumas[2]. La palette des tons utilisés par l’artiste est caractéristique de son oeuvre, tout particulièrement le bleu-vert employé pour la végétation. Les traces de pierre noire qui ont permis à Schouman de mettre en place son animal sont bien visibles, comme c’est souvent le cas dans ses dessins, même les plus finis[3]. La fluidité enfin avec laquelle l’artiste a appliqué l’aquarelle fait de ce modeste et charmant portrait animalier une oeuvre incontestable de notre dessinateur. Schouman produit un nombre très important de représentations d’oiseaux mais ses dessins de mammifères sont beaucoup plus rares. Il représente parfois des espèces exotiques[4] et il est plus exceptionnel de trouver dans son oeuvre des dessins d’animaux domestiques comme les chiens et les chats. On conserve notamment le portrait que l’artiste fit de son propre chat, une belle feuille en collection privée, dans laquelle le félin est allongé devant une plaine hollandaise[5]. La Hamburger Kunsthalle possède quant à elle un dessin représentant un chien de chasse[6]. Cette feuille est cependant très atypique dans l’oeuvre de Schouman car le dessinateur se contente rarement, comme il le fait ici, d’un lavis gris et lui préfère généralement les couleurs de l’aquarelle. De plus, ainsi que l’a bien noté Annemarie Stefes, l’esquisse sous-jacente à la pierre noire est dense et nerveuse, loin de la légèreté de trait caractéristique de l’artiste. Dumas a suggéré que la feuille de Hambourg devait être un dessin existant, que Schouman a complété au lavis. C’est ce qu’il fit également dans une autre feuille conservée à Grenoble. D’abord réalisée à la sanguine par un dessinateur anonyme, elle fut achevée au lavis par Schouman[7]. C’était une pratique récurrente chez le dessinateur ainsi que l’a récemment bien montré Dumas[8].
Lors de sa récente restauration, le Basset a été décollé de sa feuille de doublage. Cette intervention a permis d’examiner son verso qui a révélé des informations essentielles : la marque du collectionneur hollandais Neville Davison Goldsmid mais aussi une inscription qui semble bien autographe[9] donnant le nom (aujourd’hui difficile à lire) du propriétaire du chien, l’année de réalisation du dessin et une mention, caractéristique de l’esprit d’observation encyclopédique de Schouman : een regte das hont, c’est-à-dire « un basset véritable», l’artiste faisant sans nul doute allusion à la pureté de race de l’animal.


[1] Deux carnets de notes de l’artiste sont conservés qui donnent de son activité de peintre de décorations murales, de blasons, de dessus de cheminée, d’éventails… un excellent aperçu. Voir Bol, 1991, p. 17-19 et passim.
[2] Communication orale, février 2013.
[3] Voir ainsi le Paon (inv 1407-98A) ou le Tétras-lyre (inv. 1407-122) conservés à la Fondation Custodia – Collection Frits Lugt, Paris (Paris, 1982, nos 40 et 29).
[4] Notamment celles de la ménagerie du stathouder au palais du Kleine Loo, voir Bol, 1991, p. 94.
[5] Voir Bol, 1991, p. 57, ill. 44.
[6] Stefes, 2011, n°958, ill.
[7] Chemin de campagne, lavis d’encres noire et brune sur un dessin à la sanguine, 9,7 x 17,4 cm, Inv. MG D 1513.
[8] Dumas, 2011.
[9] Une étude d’autres inscriptions autographes au graphite portées au verso de dessins de Schouman dans la Collection Frits Lugt (par exemple le Faisan argenté, Inv. no 1407-126, Paris, 1982, n°36) révèle une écriture identique. Il en est de même de la lettre de l’artiste conservée dans cette même collection (Inv. n°7423). Schouman donnait en particulier à ses « h » et ses « s » une forme caractéristique.

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