Vue du Golfe de Tunis, prise de la nécropole de Carthage

Alexandre DEBELLE
1863
48,5 x 61,5 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don d'Alexandre Debelle en 1894

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Élève de Benjamin Rolland à Grenoble puis d’Antoine-Jean Gros à Paris, Alexandre Debelle se distingue surtout comme peintre d’histoire, brossant des toiles monumentales pour commémorer les événements qui ont secoué le Dauphiné sous la Révolution et l’Empire. L’Assemblée de Vizille du 21 juillet 1788 de 1842 et La Journée des Tuiles de 1890[1] sont les deux œuvres les plus emblématiques de cette production. Sa première vocation est pourtant celle d’un paysagiste. On lui doit de belles vues de Grenoble et des alentours aussi bien en peinture qu’en dessin. Il met d’ailleurs ce talent au service de l’illustration de nombreux albums, montrant les richesses patrimoniales et touristiques du Dauphiné, dans la veine des voyages pittoresques mis à la mode par le baron Taylor[2]. Cette très belle aquarelle, donnée par l’artiste au musée dont il a été le conservateur de 1853 à 1887, montre une nouvelle facette de son activité artistique, celle d’un peintre orientaliste, fasciné par la lumière méditerranéenne qu’il découvre lors d’un séjour en Tunisie, entre décembre 1861 et janvier 1863. C’est à l’invitation de son ami Léon Roches, grenoblois comme lui et devenu consul général de France à Tunis, que l’artiste entreprend ce voyage en Orient, avec la mission de réaliser un tableau commémoratif : L’Entrevue de Napoléon III et du Bey de Tunis à Alger[3]. Ce séjour de plus d’une année est documenté par plusieurs lettres, restées dans la famille, et un carnet de dessin, actuellement conservé au musée Dauphinois. « Rien ne me manque, le confort est total, tout est beau, tout est magnifique, j’y ai vu des choses qui étonnent, j’ai de quoi dessiner », écrit-il. Il dessine beaucoup et le carnet qu’il remplit nous laisse entrevoir ses principaux centres d’intérêt : la Medina de Tunis avec ses portes monumentales, ses rues tortueuses, ses maisons à arcades mauresques, le palais du Bardo, quelques chameaux et bédouins, mais aussi les alentours de la ville qu’il tente d’embrasser dans des panoramas courant sur des doubles pages. S’il met parfois quelques touches d’aquarelle dans ces dessins au crayon, soulignant le décor d’une porte, il ne rapporte de son séjour que deux aquarelles de grand format, celle du musée et une autre, qui montrent chacune une vue plongeante sur la baie de Tunis. Les tonalités douces bleutées de la première contrastent avec la lumière crue et intense de la seconde, d’un format légèrement plus petit. Celle de Grenoble a été prise depuis la cité punique de Carthage, reconstruite par les Romains, que l’on peut apercevoir dans la deuxième aquarelle, prise d’un point de vue plus élevé. Les collines moutonnantes qui environnent la ville, la végétation d’oliviers à peine esquissés, se confondant avec la terre ocre et aride, le ciel immense et délicatement irisé, la mer lointaine mais subtilement imbriquée dans les terres, tout concourt, dans le dessin du musée, à une vision synthétique du paysage méditerranéen quand la seconde vue s’égare dans l’anecdote. Le musée de Grenoble possède une autre aquarelle de Debelle, Bords de la Méditerranée (MG 1789), montrant des pêcheurs dans une crique aux alentours de Marseille, peut-être réalisée au moment où l’artiste s’embarque pour son voyage tunisien.


[1] L’Assemblée de Vizille du 21 juillet 1788, 1842, huile sur toile, 170 x 260 cm, Conseil général de l’Isère ; La Journée des Tuiles, 1890, huile sur toile, 150 x 201 cm, musée de Grenoble, MG 899, en dépôt au musée de la Révolution française à Vizille.
[2]_ Album du Dauphiné_, 4 vol., Grenoble, 1835-1839, illustration d’A. Debelle et V. Cassien ;_ Guide du voyageur à la Grande Chartreuse_, Grenoble, 1836 ; Album d’Uriage, Lyon-Grenoble, 1849.
[3] L’Entrevue de Napoléon III et du Bey de Tunis à Alger, 1861, huile sur toile, 60,5 x 81 cm, Tunis, musée du Bardo.

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