En Auvergne, jeune paysan

Nicolas BERTHON
XIXe siècle
Fusain et rehauts de craie blanche sur papier vélin bleu insolé
41 x 25,8 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3550, n°1031)

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Né à Paris et formé dans l’atelier d’Adolphe Yvon puis de Léon Cogniet, Nicolas Berthon choisit l’Auvergne, dont est originaire sa famille, comme sujet presque exclusif de ses peintures. La vie rurale, avec ses scènes de moissons, ses intérieurs paysans, ses processions religieuses ou ses enterrements, lui inspire la plupart des œuvres qu’il présente au Salon à partir de 1857 : Pendant la messe, souvenir d’Auvergne (Salon de 1866), Un enterrement à la Tour d’Auvergne (Salon de 1874) ou encore La Procession des pénitents noirs de Billom, le jeudi saint (Salon de 1883)[1]. Nicolas Berthon est emblématique de cette peinture de genre rurale qui fleurit sur les cimaises du Salon dans les années 1870 et 1880, prolongeant tardivement le courant réaliste né au lendemain de la Révolution de 1848. Mais on est loin ici des audaces picturales et de la satire sociale d’un Courbet : sa facture est lisse, son dessin soigné et ses paysans auvergnats n’inspirent ni dégoût ni pitié au spectateur. Gabriel Marc, en 1885, résumera assez bien l’art de Berthon : « Il appartient à cette école du plein air et de la vie réelle dont Millet et Jules Breton sont les fondateurs. Il n’a pas l’idéalisation poétique de l’un ni la grandeur naïve de l’autre ; mais il voit juste, sans esprit d’imititation, sans songer à grandir ou poétiser son sujet[2]. » Chacune de ses œuvres, dans la plus pure tradition académique, est soigneusement préparée par de nombreuses études de figures, ce que nous confirme Georges Vitoux, auteur de la seule étude ancienne sur l’artiste, parue au moment de sa mort en 1888 : « Il suit fidèlement [la nature], et sans cesse l’épie, recommençant son dessin ou son esquisse tant qu’il ne se sent point arrivé à la représentation parfaite de son modèle. C’est ainsi qu’il possède dans ses cartons plusieurs centaines de dessins exécutés pour sa seule composition de la Procession des pénitents noirs de Billom[3]. » Si cette très belle étude de jeune Auvergnat ne peut se rattacher à aucune des peintures connues de l’artiste, elle est très proche des nombreuses figures d’enfants qui peuplent ses compositions, en particulier le garçon qui s’avance devant ses parents dans le Retour de Vêpres de 1881[4]. Tous deux ont la même coupe de cheveux, portent un panier et sont vêtus sensiblement de la même manière. Le trait de fusain, rigoureux, excelle à rendre les textures du panier d’osier tressé, du pot métallique noir et de la blouse de l’enfant, dont chaque pli est soigneusement rendu. Le col de la chemise, à la craie blanche, se détache sur le fond coloré du papier. Cette manière précise, descriptive, de traiter le modèle, cet usage du fusain et de la craie sur papier bleu, se retrouvent dans les autres feuilles connues de l’artiste, conservées à la bibliothèque municipale et universitaire de Clermont-Ferrand. « Quel style mesuré et plein de noblesse, quel caractère magistral présentent [ses] nombreuses figures […], dans la simplicité savante de leurs lignes ! », s’enthousiasme Georges Vitoux à propos de ces études de figures[5].


[1] Respectivement conservés au musée des Beaux-Arts d’Arras, au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon et au musée Mandet de Riom.
[2] Gabriel Marc, « Le mouvement artistique en Auvergne », in Revue d’Auvergne, 1885, p. 168.
[3] Georges Vitoux, « N. Berthon » in L’Auvergne artistique et littéraire, Paris, 1888, p. 199.
[4] Nicolas Berthom, Retour de vêpres, huile sur toile, vente Shapiro, New York, 18 mai 2013, lot n°105.
[5] Georges Vitoux, op. cit., p. 199.

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