Femme portant une gerbe de blé et une corbeille de fruits

Eugène FAURE
un peu avant 1866
207 x 77 x 3 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à l'artiste en 1866

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Installé à Paris dans la seconde moitié du XIXe siècle, Eugène Faure est l’un des artistes isérois qui y rencontre le plus de succès. Spécialisé dans l’art du portrait, il devient peintre mondain et reçoit de nombreuses commandes qui lui permettent de vivre confortablement. La Ville de Grenoble, fière de sa réussite, suit avec attention son parcours. Vers 1866, l’artiste exécute un panneau décoratif de grandes dimensions sur lequel figure un modèle noir. Une négresse est le premier titre donné par Faure. Cette « robuste fille de couleur[1] », représentée en pied, de face, tient une gerbe de blé dans sa main gauche et avec celle de droite retient une corbeille de fruits posée sur sa tête. La légère torsion du corps laisse deviner ses courbes généreuses qu’un tissu bleu et ocre ainsi qu’un linge blanc viennent recouvrir. Sur son visage, positionné de trois quarts, un sourire discret gratifie le modèle d’une beauté évidente. Sa silhouette contraste avec le fond clair et lumineux duquel elle se détache et qui se compose d’un vaste ciel et d’un sol de terre aride. Les couleurs expressives et la touche large, alliées aux recherches plastiques, résultent chez Faure d’une nouvelle esthétique qui prévaut à cette époque[2]. L’orientalisme ayant ouvert la voie à d’autres sources d’inspiration dans la première moitié du XIXe siècle, le goût pour l’étranger reste perceptible dans la production de nombreux peintres dans la seconde moitié. À l’instar de ses contemporains Jean- Léon Gérôme (1824-1904) et Eugène Delacroix (1798-1863), dont les voyages en Orient avaient nourri et construit une grande partie de leur oeuvre, Faure reprend la physionomie d’un modèle exotique sans jamais avoir connu les paysages d’Orient. Pour l’artiste, l’effet est prégnant et son panneau décoratif séduit le public. Après avoir été exposé au Salon de Paris en 1866, il rejoint le Salon de Grenoble la même année. Pour justifier de son acquisition, Michal- Ladichère, président de la Société des amis des arts, insiste auprès du maire de Grenoble sur le fait que « tout le monde a remarqué cette figure dont le dessin est si correct et qui est si naturellement et si fièrement posée[3] ». Eugène Faure, dont les oeuvres étaient de plus en plus appréciées, vendit alors son tableau au musée de Grenoble pour la somme de 1 000 francs, soit un tiers de sa valeur. Ses concitoyens saluèrent un acte patriotique.


[1] Aristide Albert, « Le Peintre Eugène Faure », Revue Dauphinoise, H. Falque et F. Perrin, 1902, p. 10.
[2] Le Modèle noir. De Géricault à Matisse, Cécile Debray (dir.), cat. exp., Paris, musée d’Orsay, 26 mars-21 juillet 2019, Pointe-à-Pitre, Mémorial ACTE, 13 septembre-29 décembre 2019, Paris, musée d’Orsay, Flammarion, 2019.
[3] Lettre d’Alexandre Michal-Ladichère, président de la Société des amis des arts de Grenoble au maire de la ville, 15 août 1866, AMG, R 2 40.

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