Massifs d'arbres laissant voir un château sur une colline

Jean-Baptiste Camille COROT dit Camille COROT
XIXe siècle
17,5 x 24,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins encadrés, n°14)

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« Je vois combien il faut être sévère d’après nature et ne pas se contenter d’un croquis fait à la hâte. Combien de fois j’ai regretté, en regardant mes dessins, de n’avoir pas eu le courage d’y passer une demi-heure de plus !... Il ne faut laisser d’indécision dans aucune chose[1]». Ces propos de Corot manifestent bien les préoccupations du dessinateur scrupuleux qu’il est dans ses jeunes années lorsqu’il se confronte au motif en Italie, saisissant d’un trait précis de crayon graphite ou de plume le moindre détail d’un arbre ou d’un rocher. Pourtant, à partir des années 1860, cette « indécision », ce flou, deviennent prépondérants dans son œuvre dessiné et le fusain, son moyen d’expression privilégié. Car au travail sur le motif, précis et objectif, l’artiste préfère désormais transcrire ses « souvenirs », ses émotions ressenties face aux paysages emmagasinés dans sa mémoire, dans des dessins au fusain, où le velouté du trait enrobe les détails et les perd dans le flou. C’est le cas dans cette petite feuille ovale, où le site représenté n’a plus rien de précis. Un château perché sur une colline laisse entrevoir sa silhouette entre deux bosquets d’arbres. À l’ombre, dans le creux du chemin, deux figures imprécises sont allongées. En quelques traits de fusain, l’artiste suggère la forme d’un tronc sinueux ou de quelques feuilles agitées par le vent. Estompé, ce noir se pare de toutes les tonalités de gris pour donner à sentir la pénombre du sous-bois et la masse des feuillages. Seule une trouée dans le fond éclaire l’ensemble et propage sa lumière sur les façades des édifices et le creux du vallon. Si rien ne permet de situer l’endroit, il est en revanche possible de dater cette feuille des années1860–1870. On y retrouve ces effets de clair-obscur, cette atmosphère onirique, cette synthèse des formes propres aux œuvres de la maturité et que l’artiste résume ainsi : « Toujours la masse – l’ensemble – ce qui nous a frappés – ne jamais perdre la première impression qui nous a émus[2]». Absente du catalogue raisonné de l’œuvre de Corot établi par Alfred Robaud en 1905, cette feuille, comme le dessin précédent , provient de la collection de Léonce Menard et a été léguée au musée en 1890. Voisins – Corot réside à Ville-d’Avray et Léonce Mesnard à Viroflay, à quelques kilomètres –, les deux hommes se connaissent personnellement. On recense au moins deux lettres envoyées par Corot à Mesnard : l’une datée de 1853, se trouvait au dos de son tableau Paysage au soleil couchant _ (MG 1770), légué au musée en 1890[3], l’autre, datée de 1862, se trouve encore dans la famille. Par ailleurs, un autre dessin, un croquis de _Tête de femme, signé « Corot » et daté du 20 octobre 1855 (MG D 1045), figure également dans la collection du musée, léguée par le même Mesnard.


[1] Corot, note manuscrite dans un carnet d’Italie daté de 1825, cit. dans Jean Laran, « Corot dessinateur et graveur », cat. exp. Estampes et dessins de Corot, Paris, Bibliothèque nationale, 1931, p. 14.
[2] Corot, note manuscrite dans un carnet de 1860, cit. dans Jean Laran, op. cit., p. 16.
[3] Cette lettre, datée du 4 septembre 1853, est conservée à la documentation du musée et évoque la visite de Corot à Viroflay, chez Mesnard, alors absent. Corot propose de « refaire dans le tableau l’endroit » dont lui a parlé Mesnard (une modification dans le Paysage au soleil couchant, très certainement).

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