Jeune Femme

Jules CHÉRET
XIXe siècle
39,6 x 24,7 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat par la Ville à Jules Chéret en juin 1912 (200 francs)

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On doit à Jules Chéret d’avoir fait de l’affiche un genre artistique à part entière. À la fin du XIXe siècle, le passant reconnaît au premier coup d’œil ses « Chérettes » qui envahissent les murs de Paris, ces nymphes rieuses, toujours en mouvement, qu’accompagne tout un monde de carnaval (sarabandes de pierrots hilares, guirlandes et masques colorés). Son œuvre, pourtant, ne se réduit pas à l’affiche lithographiée en couleurs. Peintre et décorateur, il réalise également des rideaux de théâtre, des décors monumentaux pour des demeures privées ou des bâtiments publics, ainsi qu’un grand nombre de travaux plus modestes : faire-part de naissance, programmes de spectacles ou couvertures de livres. En parallèle de cette abondante production, Jules Chéret s’astreint quotidiennement à la pratique du dessin, qu’il érige en véritable discipline. Chaque jour, il reçoit un modèle dans son atelier pour étudier une pose, un geste ou un drapé. Contrairement aux dessins préparatoires aux affiches ou aux grands décors, qui sont parfois très élaborés, notre feuille, achetée directement à l’artiste en 1912, relève clairement de ce travail de croquis quotidien. Le conservateur du musée de Grenoble entend d’ailleurs, au moment de son achat, l’utiliser pour servir d’exemple pédagogique aux artistes venant dessiner au musée[1]. Comme Henri Fantin-Latour, dont il est le condisciple à la petite école de dessin en 1849, Chéret se forme auprès d’Horace Lecoq de Boisbaudran qui encourage ses élèves à dessiner partout et tout le temps, d’après nature et de mémoire, pour développer leur « vision intérieure ». La feuille représente un portrait de femme assise sur un tabouret aux pieds rapidement esquissés. Vue de dos et tournée de trois quarts, elle tient haut sa robe, s’apprêtant peut-être à se lever. Chéret concentre son attention sur le geste de la main qui saisit le drapé volumineux de la robe dont l’étoffe est traitée en quelques hachures grasses et visibles, au crayon Conté. Le tracé se fait plus fin pour le visage, dont l’étude est redoublée, à droite de la silhouette, par un petit croquis de tête. Le vêtement est de pure fantaisie, puisqu’aucune de ses pièces ne date de la même période. Au dos, le grand pli plat de la robe d’été, dit à l’époque de Chéret « pli Watteau », rappelle la mode Petit Trianon du XVIIIe siècle. La capote, d’esprit champêtre, est plutôt d’époque romantique. Le bouffant de ses manches en sabot est typique des années 1890. Il s’agit donc plutôt d’un travestissement néo-rococo, sans doute d’un costume de théâtre ou de bal masqué dont Chéret a l’habitude de revêtir ses modèles et dont il dispose en quantité dans son atelier.


[1] « Ce dessin fait d’après nature […] est remarquable par l’élégance de l’attitude et du mouvement et sera d’un excellent enseignement pour les jeunes artistes qui viennent étudier au musée. » Lettre de Jules Bernard, conservateur du musée de Grenoble, 2 juin 1912, Archives municipales de Grenoble, série 2 R338.

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