Junon et Argus

Charles-Alphonse DUFRESNOY
XVIIe siècle
12,8 x 19,1 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (n°2034).

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Les nombreuses publications et études scientifiques qui ont permis de mieux cerner l’œuvre de Nicolas Poussin depuis les années 1960 ont fait petit à petit émerger tout un groupe d’artistes oubliés, dont la production avait été progressivement amalgamée par analogie avec celle du maître des Andelys. Les deux artistes qui ont le plus grandement bénéficié de ces recherches sont Charles Mellin (MG D 74 ) et Charles-Alphonse Dufresnoy. L’émergence de la personnalité artistique de ce dernier s’est opérée en plusieurs temps. Il est apparu progressivement qu’un groupe de dessins, conservés en majeure partie dans les cabinets de Dresde, Venise, Rome, Paris, Rennes, Munich, Düsseldorf et Stockholm présentait, malgré sa proximité avec l’art de Poussin, une originalité particulière. Ces œuvres, toutes dessinées à la plume et au lavis, de taille à peu près similaire, témoignaient de l’art d’un peintre savant ayant fortement médité l’art de Poussin. En 1994, dans le catalogue raisonné des dessins de Poussin, Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat regroupaient ces feuilles sous un nom de convention : le « Maître de Stockholm ». Les auteurs hésitaient alors entre Jacques Blanchard et Dufresnoy dont le nom avait déjà été prononcé plusieurs fois au sujet de certains d’entre eux. En 1996, Jacques Thuillier rend définitivement cet ensemble à Dufresnoy. La reconstitution de l’œuvre de ce dernier était amorcée, notamment par la réapparition progressive des peintures en relation avec les dessins qui, elles aussi, étaient la plupart du temps attribuées à tort à Poussin. Cette quête est poursuivie par Sylvain Laveissière qui a depuis publié un nombre important de peintures et de dessins de l’artiste dont celui de Grenoble en 2006. Nous remercions ce dernier de nous avoir signalé deux peintures inédites en rapport avec notre dessin, la première a été vendue comme « école romaine du XVIIe siècle » à Paris en 1998[1] et la seconde était conservée en 2001 dans une collection privée italienne[2] . Alors que le tableau de la vente parisienne ne présente pas de variante significative avec le dessin, le tableau italien en diffère par la pose de Mercure.
L’œuvre illustre un épisode des amours adultérines de Jupiter, conté dans les Métamorphoses d’Ovide (I, 501-688). Ayant succombé aux charmes de Io, fille du fleuve Inachos, Jupiter s’unit à elle sous la forme d’une nuée. Pour la soustraire à la jalousie de son épouse Junon, Jupiter transforme ensuite la jeune fille en génisse. Mais cette fois c’est Junon qui est séduite par la grande beauté de cet animal et demande à son époux de le lui offrir. Le présent obtenu est ensuite confié à la garde d’Argus, un monstre dotés de cent yeux. C’est le dénouement de cette histoire que représente ici Dufresnoy. Mercure, placé en haut, au centre de la composition est envoyé par Jupiter pour endormir Argus au son de la flûte et le décapiter. Il observe dans le ciel Junon qui retrouve le monstre mort et en redistribue les yeux sur le plumage de son oiseau fétiche, le paon. Dans le fond on aperçoit la génisse qui s’enfuit.
Dans le dessin, comme à son habitude, Dufresnoy met en place d’une façon particulièrement synthétique l’ordre et le rythme de la composition sans la détailler. Les contours sont cernés par un trait nerveux à la plume et les masses indiquées par des aplats de lavis. Cette technique est commune à plusieurs artistes de l’entourage de Poussin à Rome comme Charles Mellin, Nicolas Chaperon ou Jean Lemaire mais Dufresnoy s’y distingue par une nervosité graphique et un sens de l’économie particulièrement original.


[1] Charles-Alphonse Dufresnoy, Junon et Argus, coll. part., H/T. H. 74 ; L. 92. Vente Paris, Drouot, 11 décembre 1988, n° 44 (La mort d’Argos, école romaine du XVIIe siècle ?).
[2] Charles-Alphonse Dufresnoy, Junon et Argus, H/T, dimensions inconnues. Coll. Part Italie en 2001. Signalé par Liliana Barroero à Sylvain Laveissière qui l’a identifié.

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