Nature morte

Mario TOZZI
avant 1933
73,2 x 92 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Don du Comte Emanuele Sarmiento en 1933

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[Catalogue de l'exposition Italia moderna. La collection d'art moderne et contemporain italien du musée de Grenoble, 19 mai-4 juillet 2021]

Dans la donation faite par le comte Emanuele Sarmiento au musée de Grenoble, Tozzi appartient aux artistes les plus richement représentés avec le peintre Filippo de Pisis. Dans La Vie alpine, le chroniqueur Jean Hesse écrit en 1933 : « Tozzi [est représenté] par trois peintures robustes, puissantes, dans lesquelles l’aspect sculptural, granitique des sujets n’exclut pas l’expression des grands sentiments… » Formé à l’Académie des beaux-arts de Bologne où il croise Giorgio Morandi, puis démobilisé en 1919, l’artiste épouse une jeune femme française et s’installe à Paris où il restera jusqu’en 1935. Intégré au groupe du café du Dôme avec Massimo Campigli, Alberto Giacometti, Amédée Ozenfant, Ossip Zadkine, Max Jacob, Le Corbusier et Alberto Magnelli, il est sensible à l’esthétique puriste, et participe à de nombreux salons comme celui des Indépendants. L’artiste bénéficie du soutien constant du critique d’art français Eugenio d’Ors, qui lui consacre notamment une monographie intitulée La Peinture italienne d’aujourd’hui : Mario Tozzi, (Paris, éditions des Chroniques du jour, 1932). Tozzi ne cesse par ailleurs de défendre l’art italien à Paris, à une époque où De Chirico déplore : « Il n’y a pas en Italie de mouvement d’art moderne ; la peinture italienne n’existe pas ; il y a Modigliani et moi » (Comoedia, Paris, 12 décembre 1927). Avec son ami Osvaldo Licini, Tozzi défend le mouvement du Novecento, constitue avec quelques « Italiens de Paris » le « Groupe des Sept » (De Chirico, Savinio, Severini, Campigli, Paresce, De Pisis), publie des articles et consacre plusieurs expositions à ses compatriotes (Salon de l’Escalier, février 1928, Un groupe d’Italiens à Paris, avril 1929).

À l’heure où l’Italie brandit comme un étendard le concept de « latinité » et la grandeur passée de l’Empire romain, l’art de Tozzi puise ses sources dans le Quattrocento. À partir de 1928, les figures peintes par l’artiste acquièrent une dimension allégorique. Statiques et lourdes, elles évoquent la compacité solide des statues. Le critique Charles Kunstler constate, en 1931, la récurrence, dans la peinture de Tozzi, de motifs antiques et italianisants. Avec La Famille du pêcheur , l’artiste parvient à une union harmonieuse entre les figures et l’architecture renaissante. L’image énigmatique semble condenser deux réalités : la maison d’une part, où la mère et son enfant attendent inquiets le retour du père, pêcheur parti en mer, et les flots agités où le marin se débat sur son fragile esquif. Encadrée par un portique, la scène de maternité est une vision éternelle hors du temps. Semblant vouloir unir mythologie et modernité, Tozzi plonge ses personnages aux corps sculpturaux dans un espace onirique. « Dans ses tableaux “on ne peut pas entrer”, car leur espace n’est pas modelé sur celui de la réalité, [...] mais se révèle un espace purement mental », écrit Waldemar-George. En 1928, lors d’une exposition à Paris, le critique affirme : « [Tozzi] est celui de ses compatriotes, vivant et travaillant en France, qui fait le plus songer aux peintres du xve siècle. »

1930 est l’année de la consécration pour Mario Tozzi. L’artiste participe à la Mostra di Pittori Italiani Residenti a Parigi * [L’exposition des peintres italiens résidant à Paris] à la Galleria Pesaro de Milan. Il occupe une salle entière à la Biennale de Venise dans l’exposition de Waldemar-George, Appels d’Italie, réunissant artistes italiens et français. Tozzi est admiré par le critique qui vénère en lui ce « Lombard qui sert en Italie la cause de l’art français ». L’artiste est alors considéré comme « un des éléments de la renaissance classique » (Waldemar- George, juin 1930). Comme *La Famille du pêcheur, La Paix retrouvée figure un couple énigmatique. Le pêcheur et son épouse vivent peut-être d’émouvantes retrouvailles après une longue séparation. L’artiste peint et dessine ses personnages d’après des mannequins et des figures en plâtre, si bien que les corps sont ici aussi volumineux qu’irréels. « Ses formes, réalistes ou idéalisées, s’inscrivent dans un cadre d’architecture abstraite. Ce sont des formes tectoniques, sculpturales, des formes qui pèsent et qui adhèrent au sol » écrit Waldemar-George. René Huyghe entrevoyait dans ces visions d’éternité la surprenante capacité de Mario Tozzi à faire advenir du quotidien une dimension monumentale.

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