Autoportrait à la cravate rouge

Ernest Antoine Auguste HÉBERT
1870
67,5 x 54,2 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de l'artiste en 1870

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Fils d’un notaire grenoblois, cousin de Stendhal, Ernest Hébert, né le 3 novembre 1817 à Grenoble, passe une jeunesse studieuse dans sa ville natale où il prend ses premiers cours de peinture avec Benjamin Rolland, conservateur du musée de la ville et professeur à l’école de dessin.
Formé pendant les années romantiques, Ernest Hébert commence sa carrière avec la percée du réalisme. Après une formation classique à l’École des beaux-arts de Paris, qui le voit remporter le grand prix de Rome de peinture historique, il accède à la notoriété avec La Mal’aria au Salon de 1850. Un bel avenir s’ouvre alors à lui : il va désormais partager son temps entre la France et l’Italie, notamment à Rome où il dirigera à deux reprises l’Académie de France (1867-1873 et 1885-1890). Il devient un portraitiste recherché par la haute société parisienne du Second Empire puis de la Troisième République. Toutefois, c’est en Italie qu’il trouve ses sujets de prédilection en peignant des scènes de la vie paysanne empreintes d’un réalisme mélancolique. Sans être, comme Rembrandt ou Courbet, fasciné par sa propre image, Hébert a jalonné sa carrière de plusieurs autoportraits, dont celui-ci qui marque une période glorieuse : nommé en 1865 directeur de l’Académie de France à Rome, il a cinquante-trois ans lorsqu’on lui demande son portrait pour la galerie des Offices à Florence. Il s’exécute en 1870, mais la Ville de Grenoble sollicite de son « éminent compatriote » une faveur égale. Dans cet autoportrait dédicacé A SA VILLE NATALE, il se montre à la fois comme un bourgeois, vêtu de sombre, et comme un artiste au front dégagé, au regard intense et ténébreux, tel que l’a décrit son ami Théophile Gautier : « Avec son teint olivâtre, ses grands yeux nostalgiques, ses longs cheveux noirs, sa barbe épaisse et brune, son air profondément italien, il semble l’idéal et le modèle de ses propres tableaux[1]. » Sur sa veste de velours brun, une petite note de couleur est apportée par la lavallière rouge – allusion discrète à l’appartenance de sa famille paternelle au Club républicain – et la rosette de la Légion d’honneur qu’il a reçue en 1867. La gamme chromatique employée fait penser à celle de son ami marseillais Ricard (1823-1873).
Le tableau est une réplique exacte de l’autoportrait de la galerie des Offices. Depuis les Médicis, grands collectionneurs, des autoportraits d’artistes de toutes les nationalités étaient en effet présentés dans le Corridor Vasari ; celui-là même qui permettait au grand-duc de Toscane de quitter, à l’abri des regards et des dangers, le palais des Offices, au centre de Florence, pour rejoindre, de l’autre côté de l’Arno, le jardin Boboli et le palais Pitti. Sur 1 600 autoportraits, dont ceux de Raphaël, Holbein, Rubens, Cranach, etc., une cinquantaine d’artistes français, de Vouet à Chagall, en passant par David, Delacroix, Ingres ou Corot, ont accepté d’offrir leur portrait. Hébert répond donc à son tour favorablement à la sollicitation du musée, lors du premier directorat (au grand amusement du peintre, une autre demande fut faite lors de son second directorat par la commission qui imaginait sans doute avoir affaire à un homonyme). Cette reconnaissance du talent de l’artiste grenoblois, largement relayée par la presse dauphinoise, éveilla l’intérêt de sa ville natale qui voulut elle aussi posséder un portrait du peintre, désormais célèbre, afin de le léguer à la postérité.


[1] Théophile Gautier, Portraits contemporains, Paris, Charpentier et Cie, 1874, p. 345.

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