Léon de Beylié, collectionneur et mécène
Né en Alsace, Léon de Beylié appartient à l'aristocratie dauphinoise par son père qui lui transmet son goût pour les arts et l'initie très tôt aux collections du musée de Grenoble. Sa vocation militaire et l'extension française en direction des pays de l'Asie du Sud-Est qui l'amènent aux fonctions de général de brigade dans l'infanterie de marine à partir de 1903, bien loin de ses terres d'origine, ne le détacheront pourtant jamais de son "cher" musée et il n'aura de cesse de lui offrir le meilleur de ses découvertes artistiques.
Amateur d'art éclairé, il est un visiteur infatigable des salons, des expositions, des marchands d'art, des villes et des grands musées européens. Son intérêt le porte aussi vers l'archéologie, discipline pour laquelle il finance et initie des fouilles en Afrique du Nord et en Asie du Sud-Est, relatant hypothèses et conclusions dans ses écrits. A ce goût et à cette conscience que l'art et son histoire n'ont aucune limite de temps ni de lieu, la collection d'Antiquités du musée doit des pièces essentielles : deux masques funéraires d'Antinoé (Moyenne Egypte) du IIIe siècle et deux bas-reliefs de Palmyre (Syrie) de la fin du IIe ou du début du IIIe siècle, dons respectifs de 1900 et 1907. Les architectures byzantine et indienne feront aussi l'objet de publications et la riche documentation textuelle et en images qui alimente ses ouvrages ne cesse de nous interroger encore sur l'activité prodigieuse et l'énergie hors du commun du général de Beylié.
Grâce à sa générosité exceptionnelle, entre 1890 et 1905, près de cent-trente œuvres, peintures et sculptures, entrent au musée. Parmi elles les quatre tableaux exceptionnels de Zurbarán, des peintures de primitifs italiens dont Sainte Lucie, panneau de bois de la fin du XIIIe siècle attribué à Jacopo Torriti, une sculpture allemande, Saint Florian datée de 1520, mais aussi pour le XIXe des œuvres fortes, réalistes tels des fragments de Panorama de la bataille de Champigny d'Edouard Detaille, des portraits de femmes peints par Thomas Couture ou Jules Bastien-Lepage ou encore des mains en terre cuite modelées par Auguste Rodin.
Léon de Beylié sait trouver l'occasion rare, l'œuvre intéressante, muséale et accessible pour son budget qui viendra aussitôt combler une lacune dans la collection du musée.
Sa curiosité sans cesse en éveil, son ouverture sur toutes les cultures qu'il côtoie pendant ses missions et ses voyages lui donnent l'opportunité d'acquérir une multitude d'objets "chinés". Embryons d'une collection personnelle, ils viendront rejoindre dès les années 1890 la salle des collectionneurs du Musée-Bibliothèque mais l'importance de ces dons (près de 2 000 objets), provenant pour l'essentiel de l'Asie du Sud-Est où Léon de Beylié effectue cinq missions entre 1884 et 1910, année de sa mort tragique dans les eaux du Mékong, aboutiront en 1900 à l'ouverture d'une salle portant son nom.
Léon de Beylié reste aujourd'hui encore le plus important mécène du musée de Grenoble.