Peinture abstraite, deuxième moitié du XXe siècle

Après 1945, l’expression abstraite change radicalement d’aspects et d’intentions.

Aux côtés de la tendance purement géométrique qui connaît un grand succès en France dans les années 50, une vision plus personnelle se développe, laissant place à l’émotion, appelée « abstraction lyrique». Les angoisses nées de la guerre ont engendré un besoin de créer un monde en marge de toute présence humaine qui se traduit par une forme d'abstraction dans laquelle le sentiment de l'artiste prend le pas sur la construction méditée.

L’abstraction va ainsi acquérir pour certains une valeur expressive livrée à l’instant même de son accomplissement, attitude qui conduit également à ce qui a été appelé « art informel ».

Le cas le plus frappant de cette nouvelle tendance de l’art abstrait  se développe aux États-Unis avec l’expressionnisme abstrait  dans lequel l’espace de la toile est le miroir de l’intensité psychique de l’artiste.

Vers 1965, en réaction à cette forme d’abstraction, le Minimal art insiste sur la réduction fondamentale des moyens plastiques, un style où tout est réduit au minimum : formes, couleurs, composition.

Dans sa collection du XXe, le musée de Grenoble possède de nombreuses  peintures s’inscrivant dans ces différentes tendances, réalisées par des artistes majeurs de la deuxième moitié du siècle en Europe et aux États-Unis.

  • Zante

    Médium :
    Auteur : Victor VASARELY
    Date : 1949
    Dimension : 130 x 97 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à Odile Noël-Degand en 1972
    Localisation : SA37 - Salle 37

    Détails

    Né en Hongrie, Vasarely s’installe à Paris en 1930 et travaille comme graphiste dans la publicité. Après une période figurative marquée par l’influence du cubisme et du futurisme, il s’engage dans l’abstraction en 1947 et crée ses premières compositions inspirées par l’observation de la réalité pour tendre peu à peu vers une géométrisation plus rigoureuse.

    Zante appartient à la période Gordes, un village perché du Vaucluse. Si le peintre y a vécu une expérience visuelle intense, éprouvée sous un soleil éblouissant, c’est paradoxalement à l’aide d’un ensemble de tons austères, posés en aplats directement sur le support en isorel, qu’il traduit cet émerveillement. Le véritable sujet de la composition est désormais l’interaction entre des formes géométriques aux contours dynamiques et des couleurs contrastées.

  • T 1949-22

    Médium :
    Auteur : Hans HARTUNG
    Date : 1949
    Dimension : 116,3 x 88,8 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Don de l'artiste en 1949
    Localisation : SA37 - Salle 37

    Détails

    Le répertoire de formes qui prédomine pendant près de soixante années dans la peinture de Hans Hartung a fait de lui un précurseur des recherches du tachisme et de l’informel.

    Ayant quitté l’Allemagne pour fuir le nazisme en 1935, il s’établit à Paris. Après la guerre, il produit des œuvres dans lesquelles la liberté du geste et la dynamique du graphisme suggèrent des actes spontanés. En réalité, Hartung concilie "improvisation et réflexion" et réalise une peinture d’action soumise à une grande rigueur. Le noir, les lignes enchevêtrées et les fonds colorés sont caractéristiques des toiles de cette période, à l’exemple de cette œuvre offerte par l’artiste au musée de Grenoble l’année même de son exécution.

  • Bleu le soir à Royan

    Médium :
    Auteur : Olivier DEBRÉ
    Date : 1965
    Dimension : 190 x 195 cm
    Acquisition : Achat à l'artiste en 1968

    Détails

    Dans les années 1950, Olivier Debré réalise des peintures à la matière épaisse, maçonnée au couteau ou à la truelle, inspirées du réel et traduisant ses sensations et l'intensité de son émotion. À partir de 1963, travaillant sur de grands formats, il réalise des paysages dont la matière allégée recouvre tout le champ de la toile, ponctuée ça et là de quelques empâtements.

    La plupart de ses tableaux-paysages ont pour titre les lieux qui l'ont inspiré et la mention de l'ambiance chromatique qui l'a marqué. Fortement impressionné par Royan, il cherche ici à traduire par la couleur l'émotion qu'il en a gardée : le paysage intériorisé a été retranscrit dans un bleu intense, "déchiré" aux confins de la toile par des échancrures dont le relief et la tonalité engendrent une vibration de la surface monochrome.

  • From a coral cauldron

    Médium :
    Auteur : Sam FRANCIS
    Date : 1969
    Dimension : 200 x 351 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Sam Francis Foundation, California / Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Jean Fournier en 1976
    Localisation : SA38 - Salle 38

    Détails

    Après un long séjour en France dans les années 1950, Sam Francis va développer un art résultant d’un double héritage, l’expressionnisme abstrait américain et l’influence de Matisse.

    Dans cette toile de grande dimension, les surfaces blanches sont structurées par des caches aux formes géométriques, utilisés comme des pochoirs. Le blanc repousse sur les bords de la toile les couleurs qui occupent la place du cadre, interrogeant les limites du tableau. Loin de jouer le rôle passif d’un fond, l’étendue blanche apparaît comme le sujet même de la peinture. La peinture acrylique plus ou moins diluée permet d’obtenir des coulures et des éclaboussures, elle rend possibles des jeux de transparence qui confèrent à l’œuvre toute sa luminosité. Les teintes vives et franches apparaissent comme des morceaux de vitraux traversés par la lumière.

  • Quatuor II for Betsy Jolas

    Médium : Huile sur toile
    Auteur : Joan MITCHELL
    Date : 1976
    Dimension : 279,4 x 680,7 cm
    Acquisition : Dation en 1995 au Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle.
    Dépôt au Musée de Grenoble en 1996.

    Localisation : SA38 - Salle 38

    Détails

    Assimilée à la seconde génération de l’expressionnisme abstrait, Joan Mitchell s’installe en 1968 à Vétheuil, en Val-d’Oise, où vécut Claude Monet. À l’instar du maître de l’impressionnisme, elle s’inspire des sensations ressenties au contact de la nature, sa peinture étant parfois qualifiée d’« impressionnisme abstrait ».

    Dans ce polyptyque, l’enchantement produit par la nature s’exprime à travers une matière picturale et une gestuelle saisissantes. L’espace est totalement investi par l’acte de peindre et la puissance du geste. Cette œuvre monumentale traduit le « sentiment de la nature » si cher à Joan Mitchell. Son caractère improvisé et intuitif est une forme d’hommage à la musique de la compositrice Betsy Jolas, née à Paris en 1926.

  • Peinture, 222 x 628 cm, avril 1985

    Médium :
    Auteur : Pierre SOULAGES
    Date : avril 1985
    Dimension : 222 x 628 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à l'artiste en 1991 par le Fonds national d'art contemporain.
    Transfert de propriété au Musée de Grenoble en 2008.

    Localisation : SA38 - Salle 38

    Détails

    Voir la fiche

    Pierre Soulages, artiste majeur de l'abstraction, est l'un des plus grands peintres de la scène française actuelle. Depuis le milieu des années 40. il explore la richesse et les ressources du noir à l'aide de médiums variés : brous de noix , huile, goudron, acrylique …

    En 1979, il radicalise sa démarche avec ce qu'il appelle l'Outrenoir, produisant des œuvres dont l'opacité se transforme en lumière.

    Ce polyptyque composé de quatre toiles. Le noir d'ivoire étalé en pâte épaisse à l'aide de brosses fabriquées par l'artiste, est appliqué en larges bandes verticales, horizontales et obliques. Les stries qui se croisent et se superposent captent la lumière dont les effets varient selon la nature de l'éclairage et le déplacement du spectateur.

    Les variations chromatiques qui en résultent éloignent cette œuvre du principe de monochrome.

  • Répartition aléatoire de triangles suivant les chiffres pairs et impairs d'un annuaire téléphonique

    Médium :
    Auteur : François MORELLET
    Date : 1958
    Dimension :
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Durand-Dessert avec la participation du FRAM en 1986.
    Localisation : SA40 - Salle 40

    Détails

    Dès 1952, François Morellet élabore un travail fondé sur des systèmes établis avant l'exécution des œuvres. Formes géométriques simples, réduction des couleurs, facture lisse et parfaite bi-dimensionnalité de ses peintures lui permettent d'en retirer toute émotion.

    Dans ce triptyque, il utilise la succession des numéros de l’annuaire téléphonique ouvert à la page où figure son nom. Après avoir partagé la surface du premier panneau en carrés et triangles, il procède à 1600 "tirages", optant pour le noir ou le blanc selon le résultat pair ou impair. Le panneau central est un agrandissement de la partie supérieure gauche du tableau initial, processus répété pour le troisième panneau. Au regard de l’équilibre entre les zones noires et les blanches, l’artiste confirme le fait que « le hasard fait bien les choses ».

  • Mire G 137 (Kowloon)

    Médium :
    Auteur : Jean DUBUFFET
    Date : 1983
    Dimension : 134 x 200 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Jeanne Bucher
    avec la participation du FRAM en 1984

    Localisation : SA41 - Salle 41

    Détails

    Dubuffet se passionne dès 1945 pour les productions des marginaux et des malades mentaux, pour lesquelles il invente la notion d’« art brut ». Prolifique, bouillonnante et souvent jubilatoire, son œuvre, affranchie de toute contrainte de style, s’élabore en séries.

    Dans les dernières années de sa vie, Dubuffet a privilégié la simple feuille de papier et le tracé. Les Mires à la graphie énergique sont parmi les plus abstraites de l’artiste. Procédant par la juxtaposition de feuilles de papier offset de 67 x 100 cm, il double, quadruple ou décuple ses compositions.

    Mire G 137 (Kowloon) appartient à la série des compositions rouge et bleu sur fond jaune qui se situent aux confins de l’écriture et de la représentation et placent l’artiste à l’écart de toute référence esthétique et culturelle.

  • Omega III

    Médium :
    Auteur : Morris LOUIS (Morris Louis BERNSTEIN, dit)
    Date : 1959 - 1960
    Dimension : 369,5 x 265,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Don de Marcella Louis Brenner en 1999
    Localisation : SA38 - Salle 38

    Détails

    En 1952, Morris Louis découvre l’expressionnisme abstrait et les œuvres de Pollock. Quelques années plus tard, ayant renoncé au pinceau, il questionne les limites intérieure et extérieure de la forme. En inclinant la toile, travaillée au sol sans châssis, il obtient des écoulements qui partent des bords et se dirigent selon l’orientation donnée.

    Dans Omega III, le flux de la peinture est soigneusement guidé à partir des bords vers le centre de la toile. La couleur imbibe le support et ses nuances varient selon la dilution du médium, le degré d’absorption du tissu et l’orientation des coulures. Les coloris fauves de cette œuvre rappellent que les peintures de Matisse, mais également celles de Monet et de Bonnard, furent les premières sources d’inspiration de Morris Louis.

  • Red Curve IV

    Médium :
    Auteur : Ellsworth KELLY
    Date : 1973
    Dimension : 254 x 254 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Ellsworth Kelly Foundation
    Acquisition : Achat à la Galerie Denise René en 1975
    Localisation : SA42 - Salle 42

    Détails

    En 1954, année de la mort de Matisse dont l’œuvre l’a profondément marqué, Kelly quitte Paris pour les États-Unis. Il s’engage alors dans des séries modulaires proches de l’art minimal mais en lien étroit avec l’observation de la nature.

    Red Curve IV est un fragment de disque qui vient s’emboîter harmonieusement dans la moitié d’un carré. Sa forme découpée, d’un rouge irradiant, semble tendue comme la corde d’un arc. Une tension s’instaure entre les deux figures géométriques élémentaires, entre le fond et la forme, le rouge et le blanc. L’intensité de la couleur, à la limite de la saturation, porte la trace des gouaches découpées de Matisse. La découpe relie directement la composition au mur, qui devient partie intégrante de l’œuvre et en constitue également le fond. La peinture apparaît comme la partie d’un tout qu’il nous est seulement permis d’imaginer.

  • National #1

    Médium :
    Auteur : Robert RYMAN
    Date : 1976
    Dimension : 90,8 x 86,4 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat en 2011, avec la participation du FRAM
    Localisation : SA43 - Salle 43

    Détails

    Robert Ryman commence à peindre à New York en 1952, optant pour un art d’un dépouillement extrême, non figuratif, avec l’utilisation quasi exclusive d’une seule couleur, le blanc. Il devient l’un des principaux protagonistes de l’ Art minimal. National #1 est une œuvre en tout point exemplaire de l’art de Ryman. D’un format presque carré, réalisée sur une plaque d’acrylivin, matière plastique semblable au plexiglas teintée en noir, sa surface est entièrement couverte de blanc et fixée au mur par quatre attaches métalliques. « Ce que vous voyez est ce que vous voyez » (« What you see is what you see »), la célèbre maxime de Frank Stella, s’applique parfaitement à cette peinture dont le but n’est autre que de montrer la peinture dans son essence même.

  • Join

    Médium :
    Auteur : Brice MARDEN
    Date : 1973 - 1975
    Dimension : 183 x 305 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Yvon Lambert en 1973
    Localisation : SA43 - Salle 43

    Détails

    Issu de la seconde génération des peintres de l’expressionnisme abstrait, Marden se détache de la gestuelle expressive pour s’intéresser à la question de la vibration colorée. Il peint alors des monochromes selon le procédé du all over et aboutit à partir de 1965 à l’idée d’une composition faite de plusieurs panneaux verticaux, recouverts chacun d’une couleur distincte.

    Avec Join, Marden juxtapose trois toiles rectangulaires dont la largeur additionnée des deux plus étroites est égale à la plus grande. Le ton gris-bleu de cette surface est un mélange subtil des deux autres couleurs. La peinture s’impose par sa présence physique, l’ajout de cire à l’huile et aux pigments en accentue le caractère mat et velouté. Cette construction minimaliste rigoureuse à la matière colorée délicate invite à une expérience contemplative originale.

  • Store vert

    Médium :
    Auteur : Claude VIALLAT
    Date : 1976
    Dimension : 211 x 531,3 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Jean Fournier en 1976

    Détails

    Au cours des années 1960, Viallat amorce, au sein du groupe Supports/Surfaces, un processus de déconstruction de la peinture et une mise à plat de ses constituants : toile, châssis, surface et support. Dès 1967, il emprunte la tradition méditerranéenne consistant à blanchir les cuisines à l’aide d’une éponge trempée dans de la chaux : le motif de l’osselet, caractéristique de l’artiste, trouve son origine dans cette pratique.

    Sa peinture colonise dès lors tous les supports et tous les espaces : toiles, sacs, draps… sont marqués de son empreinte. Avec Store vert, la répétition formelle tient compte des coutures du store, flottant telle une toile libre. Le vert, occupant toute la surface, est modulé par de subtils rehauts de blanc. Le motif est répété sur une surface de plus de cinq mètres de large.

  • Sans titre

    Médium :
    Auteur : Daniel DEZEUZE
    Date : 1977
    Dimension : 428 x 108,6 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© droits réservés
    Acquisition : Achat à la Galerie Yvon Lambert en 1991

    Détails

    Membre fondateur, en 1970, de Supports/Surfaces, Daniel Dezeuze pose avec le groupe la question du devenir de la peinture et de son rôle dans la société capitaliste. Il travaille à la mise à nu du tableau et à une certaine démystification de la peinture. Les Châssis (châssis de bois brut, appuyés contre le mur) et les Échelles (constituées de lamelles de bois souples) semblent ponctuer le vide, le structurer, le rythmer, tout en révélant la nature de l’espace dans lequel elles se déploient.

    Fixée au mur à mi-hauteur et reposant au sol en rouleau, cette œuvre qui appartient à la série des Échelles se situe à mi-chemin entre la peinture et la sculpture et pose la question des limites entre ces deux genres. Elle a l’apparence d’un « dessin dans l’espace ».

  • Empreintes de pinceau n°50 répétées à intervalles réguliers de 30 cm

    Médium :
    Auteur : Niele TORONI
    Date : 1986
    Dimension : 329,5 x 214 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Niele Toroni
    Acquisition : Achat à la Galerie Yvon Lambert en 1988

    Détails

    Toroni est l’un des membres du groupe BMPT (Buren, Mosset, Parmentier, Toroni), qui interrogent en 1967 de manière critique l'objet-tableau et la démarche traditionnelle de la peinture.

    Il réalise sa peinture comme un "non-recouvrement" de la surface par des empreintes monochromes au pinceau n°50 (50 mm de large), apposées en quinconce à intervalles de trente centimètres. Ainsi est atteint et revendiqué le "degré zéro" de la peinture dont il ne subsiste que l'essentiel, un support et des traces. Les "touches" de Toroni s’appliquent sur des toiles libres ou tendues sur châssis, sur des supports variés et sur les murs des espaces d’exposition. Il est l'un des rares artistes à être resté fidèle à son principe jusqu'à aujourd'hui.