La Peur

Asger JORN (Asger Oluf JORGENSEN, dit)
1950
58,7 x 84,5 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Ariel en 1980
Localisation :
SA37 - Salle 37

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« Je peins ce qui me regarde, même quand ça me regarde de travers : c’est ainsi que Jorn pourrait définir son univers », écrit Jacques Prévert en 1957. Imprégné des traditions folkloriques et des mythes scandinaves, Asger Jorn arrive en 1936 à Paris où il travaille quelques mois dans l’atelier de Léger puis collabore avec Le Corbusier, tout en poursuivant des recherches sur l’abstraction dans l’esprit de Kandinsky. Mais ce qui le marque intensément, c’est le surréalisme de Miró et d’Ernst, l’univers de Klee et le Guernica de Picasso. Rejetant tout dogmatisme, Jorn cherche à retrouver ce qu’il nomme les « valeurs sauvages » de la peinture. Après la guerre, en 1948, il fait partie du groupe d’artistes et de poètes qui lancent le mouvement Cobra (acronyme de Copenhague, Bruxelles, Amsterdam, capitales d’où sont originaires ses membres) dont le mot d’ordre est : expérimenter ! Dans le « Discours aux pingouins » (1949), il jette les bases d’un « réalisme matérialiste » où le respect de la matière et la pratique d’un « automatisme physique » permettent d’atteindre l’inconscient collectif décrit par Jung. Pour Jorn, il s’agit de replacer l’art sur la base des sens.
La Peur a été réalisé dans cette période de bouillonnement créatif où Cobra déclare : « Un tableau n’est pas une construction de couleurs et de lignes, mais un animal, une nuit, un cri, un être humain ou tout cela à la fois. » Sur une toile grossière recouverte de couleurs empâtées, cinq silhouettes aux formes animales suggérées – yeux, becs, ailes, queues – ont envahi la quasi-totalité de la surface. Ces créatures inquiétantes, comme surgies de quelque bestiaire primitif, sont engendrées par d’épais traits noirs qui forment également des compartiments dans lesquels elles semblent contraintes. Ce type de composition, récurrent dans l’œuvre du peintre, est proche du processus de « prolifération de cellules » de l’art de son ami Dubuffet, pratique déjà présente à l’état latent dans l’expressionnisme de Munch ou d’Ensor qui avait fasciné l’artiste. Peint avec cette « spontanéité irrationnelle » non dénuée d’humour que Jorn recherchait, La Peur est une œuvre offerte à l’imagination du spectateur pour exorciser tous les démons universels.

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