Mire G 137 (Kowloon)

Jean DUBUFFET
1983
134 x 200 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Jeanne Bucher
avec la participation du FRAM en 1984
Localisation :
SA41 - Salle 41

Voir sur navigart

Né au Havre dans une famille de négociants en vin, Jean Dubuffet ne se consacre pleinement à l’art que tardivement. Inscrit à l’Académie Julian en 1918, il connaît sa première exposition personnelle des années plus tard, en 1944, à la galerie Drouin. Expérimentateur de génie, l’artiste bâtit son œuvre littéraire et pictural sur le rejet des valeurs établies. Vilipendant notre « asphyxiante culture », se posant en « homme du commun à l’ouvrage », Dubuffet s’échine au fil de ses explorations à déconstruire les règles classiques pour inventer un monde en perpétuelle mutation. Cette philosophie le porte à se passionner dès 1945 pour les productions des marginaux et des malades mentaux – pour lesquelles il invente la notion d’« art brut » – dont la liberté poétique innerve sa propre création. « J’aime le peu. J’aime aussi l’embryonnaire, le mal façonné, l’imparfait, le mêlé. » (Dubuffet, 1945). Prolifique, bouillonnante et souvent jubilatoire, son œuvre s’élabore en séries. Les Marionnettes de la ville et de la campagne inaugurent en 1942 un premier cycle fondé sur la célébration du quotidien. Avec les Portraits (Plus beaux qu’ils croient, 1946), l’artiste s’attaque à la désacralisation de la figure humaine. Expérimentations matiéristes inédites, les Célébrations du sol (1957), les Matériologies et les Texturologies (1958) glorifient la matière. L’Hourloupe marque de 1962 à 1974 une césure dans son œuvre, en tant que monde en soi, continuum envahissant et fantastique. Durant ses dernières années, Dubuffet privilégie la simple feuille de papier et le tracé. Dans une quête sérielle, des Crayonnages aux Théâtres de mémoire en passant par les Psycho-sites, l’artiste opère un retour sur lui-même. Les Mires (1983-1984), qui évoquent, par leur graphie énergique, les gribouillages d’enfant, constituent un pas de plus dans ses explorations. Aucun personnage, aucune forme identifiable n’y figurent. Procédant par la réunion de feuilles de papier offset de 67 x 100 cm, Dubuffet double, quadruple ou décuple ses compositions. Mire G 137 (Kowloon) appartient à la série des Kowloon, compositions rouge et bleu sur fond jaune, quand la série des Boléros se dessine sur fond blanc. Les Mires sont pour Dubuffet des « exercices philosophiques […] proposant de nouvelles lectures du monde » (Lettre à Charles-André Chenu, 1984). Compositions abstraites, ébauches de figures ou de signes, elles se situent aux confins de l’écriture et de la représentation. On a parfois souligné le nihilisme de cette peinture. Comme les Non-lieux (1984), tracés sur fonds noirs, avec lesquels Dubuffet clôt délibérément son œuvre, elles incarneraient plutôt, selon les termes de l’artiste, « l’espace de la pensée [qui] se présente comme eaux fluantes, giratoires, méandreuses. » (Dubuffet, 1966).

Un autre regard

Découvrez également...