Têtes de jeunes femmes

Jean-Baptiste LE PRINCE
XVIIIe siècle
Pierre noire, traces de sanguine sur papier vergé beige
19,3 x 19 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins devant être exposés dans des cadres tournant autour d'un pivot, n°84).

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Correctement classé sous le nom de Jean-Baptiste Le Prince, mais demeuré inédit, ce délicat dessin est représentatif des figures féminines inspirées par le voyage russe de l’artiste et qui peuplent une grande partie de sa production à partir de la seconde moitié des années 1760.
Le Prince est formé par François Boucher dont il hérite le goût pour les scènes de genres champêtres et l'approche très décorative de ses sujets. Suite à des déboires familiaux, d’esprit aventurier, l’artiste entreprend en 1757 un long voyage en Russie impériale où certains membres de sa famille l’avaient précédé . Durant cinq années, tout en honorant les nombreuses commandes décoratives émanant de la cour, Le Prince se démarque de la communauté française (Lagrenée, Louis-Joseph Le Lorrain, Moreau le Jeune ou Louis Tocqué) en effectuant de longs périples à travers toute la Russie. La Livonie, la Finlande, Moscou, l’Oural, la Sibérie occidentale lui offrent un vaste répertoire inédit de motifs pittoresques et exotiques qu’il consigne soigneusement dans des carnets . Cet intérêt particulier pour la vie populaire russe, ses coutumes, ses costumes traditionnelles et ses moeurs contribuent à construire la notoriété de l’artiste après son retour et alimentent ses « russeries » jusqu’à la fin de sa vie.
En France, l’activité de Le Prince, malgré une santé dégradée par son voyage, est d’une grande diversité. Agrée à l’Académie en 1764 et reçu l’année suivante, le peintre présente au Salon régulièrement des scènes où la scène de genre champêtre, familiale ou galante, dont Boucher s’est fait une spécialité, est déclinée à la mode russe. Ces scènes, qui répondent parfaitement à l’engouement des amateurs pour l’exotisme, interviennent également à un moment où la France se passionne pour une Russie que Catherine II, par les liens noués avec de nombreux intellectuels, rapproche de l’Europe occidentale. L’exemple le plus abouti de ces œuvres demeure encore aujourd’hui la célèbre tenture des Jeux russiens, composée de six panneaux, pour la manufacture de Beauvais en 1769.
Les jeunes filles du dessin de Grenoble, au profil lisse et délicat, au front haut, au nez en pointe et à la chevelure attachée en arrière par un bandeau sont une véritable signature dans les sujets russe de Le Prince. Sans pouvoir rapprocher ce dessin d’une œuvre précise, tant ce prototype est fréquent dans les peintures, illustrations gravées et les tapisseries crées par l’artiste, nous rapprochons ici ces dessins d’une peinture du musée Cognacq-Jay à Paris intitulée le* Joueur de balalaïka * [1]. L’œuvre datée de 1764, a été réalisée juste après le retour de Le Prince à Paris et met en scène, devant une vielle isba, une famille de moujiks, en Russie moscovite. Parmi les beaux détails de la toile, le visage de la jeune fille au premier plan se signale par sa clarté et sa fraîcheur. Elle correspond très exactement au type étudié dans les profils de Grenoble.


[1] H/T, H. 72,5 ; L. 60. Signé et daté J.B. Le Prince 1764, Inv. J.80/B.74.

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