Ange volant, d'après Alessandro Allori

Charles MEYNIER
XVIIIe siècle
Plume et bistre, lavis de bistre, tarit d'encadrement à la plume et au bistre sur papier vergé beige
16,2 x 17,3 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3550, n°927)

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Correctement classés sous le nom de Charles Meynier, ces deux dessins, jusqu’ici demeurés inconnus, se rattachent à une série de copies, réalisées par l’artiste lors de son séjour à Florence en 1793.
Formé dans l’atelier de Vincent, lauréat du Grand prix en 1789, Meynier arrive à l’Académie de France à Rome en 1790. L’institution est alors dirigée par François-Guillaume Ménageot (MG 2011-0-98-1 et 2) et le jeune peintre compte parmi ses camarades François-Xavier Fabre, Anne-Louis Girodet et Jacques Réattu.
A Rome, comme tous les pensionnaires, Meynier dessine d’après les maîtres et les Antiques. Ses peintres de prédilection sont tous issus des courants classiques, qu’il s’agisse de Raphaël au XVIe siècle ou des Bolonais et Poussin au XVIIe siècle.
A partir de l’automne 1792, les bouleversements entraînés par la Révolution rendent la situation du palais Mancini de plus en plus délicate. Une hostilité grandissante contre la France républicaine, le manque dramatique de moyens et enfin le sac de l’Académie lors des révoltes antifrançaises de Rome en janvier 1793, entraînent le départ de la plupart des pensionnaires. Les plus aisés d’entre eux regagnent la France, alors que les autres, en attendant les secours nécessaires à leur retour, se dispersent en Italie, principalement entre Naples et Florence. C’est dans cette dernière ville que se réfugie Meynier. Ce séjour forcé par l’histoire sera mis à profit par l’artiste pour étudier le riche patrimoine artistique de la cité. Comme l’a souligné Isabelle Mayer-Michalon (2008), les choix de Meynier s’avèrent plus originaux dans ses modèles à Florence qu’à Rome. Parallèlement aux incontournables chefs d’œuvres de Michel-Ange et de Raphaël, Meynier s’intéresse aux créations du Quattrocento et parfois à des œuvres maniéristes. Les deux dessins de Grenoble s’inscrivent dans cette quête de nouveaux modèles et s’ajoutent à onze autres dessins répertoriés récemment dans la monographie raisonnée de Meynier[1] . Ces derniers, conservés pour l’essentiel au musée des beaux-arts de Rouen proviennent, comme nos feuilles, d’un carnet démembré.
Alors que les copies connues jusqu’à aujourd’hui se rapportaient en grande majorité au chef d’œuvre de Ghiberti, la troisième et dernière porte du baptistère, les dessins de Grenoble prennent d’autres modèles facilement identifiables par les inscriptions portés en haut des dessins. L’Ange volant avec un enfant reprend un détail de la partie supérieure du Christ et la femme adultère, grand retable d’Alessandro Allori peint pour l’église Santo Spirito et Femmes et enfants copie plusieurs figures de la célèbre Naissance de la Vierge de Domenico Ghirlandaio à la Capella Maggiore de Santa Maria Novella. Dans les deux cas, comme pour les copies d’après Ghiberti, c’est l’intérêt du motif qui prime. Les innovations spatiales, la disposition générale de la composition disparaissent totalement au profit de figures isolées, de poses ou de groupes particuliers.
Le style graphique, d’une écriture nerveuse et élégante, est particulièrement stylisé. Les formes sont simplifiées comme en témoignent les visages indiqués par quelques simples petits traits. Il est étonnant de constater l’unité des copies malgré la variété des modèles. Qu’il s’agisse de reliefs de Ghiberti, d’une fresque monumentale de Ghirlandaio ou d’un retable maniériste d’Allori, l’orientation artistique du copiste efface les particularités des œuvres qu’il reproduit.
Cette même orientation très graphique, où les personnages sont isolés sur un même plan sans recherche de volumétrie ou de profondeur, est présente dans une Ménade dansante [2], autre dessin attribué à Meynier. Le modèle est certainement inspiré d’un vase grec dont l’influence à la fin du XVIIIe siècle sur la mise en place d’un « style linéaire », a été souligné par Robert Rosenblum (1976).


[1] Sept Études d’après Ghiberti, Rouen, musée des beaux-arts, Inv. 975.4.1412 ; Abraham et Isaac sur la montagne, d’après Ghiberti, Paris, coll. GP ; Étude de trois hommes, Paris, coll. GP.
[2] MG D 2627. Plume, lavis de bistre. H. 26,1 ; L. 17,5 cm.

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