Nature morte

Victoria FANTIN-LATOUR née Victoria DUBOURG
1884
65,5 x 81,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don d'Henri Fantin-Latour en 1899
Localisation :
SA23 - Salle 23

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Victoria Dubourg accordait une grande importance à cette toile qu’elle expose au Salon de 1884 : « Ma femme me charge de vous dire qu’elle avait au Salon une nature morte qui, elle croit, vous aurait plu, choux fleurs, tomates, poireaux, céleri, choux etc, bouillotte en cuivre etc. » (Fantin à Scholderer, 16 juillet 1884) et c’est avec cette œuvre qu’elle est représentée pour la première fois au Salon et au musée de Grenoble, en 1899 : « J’ai l’honneur de vous informer que le musée de Grenoble vient de recevoir de Monsieur Fantin-Latour un tableau, Nature morte, peinte par Madame Victoria Dubourg (Mme Fantin-Latour). Cette toile remarquable par ses qualités d’exécution et d’harmonie générale figurera avec honneur dans la Salle de l’École moderne. » (Jules Bernard au maire, 17 juin 1899).
Si l’été, elle peut peindre des fleurs avec son époux à Buré dans la maison de famille de sa mère, originaire de Normandie, l’hiver est parfois l’occasion de peindre des légumes dans une même tradition française de la nature morde inventée par Chardin (1699-1779). Très rapidement oublié après sa mort, le maître est redécouvert par la critique en 1846 avec l’élaboration d’un catalogue raisonné de 102 œuvres. Le Louvre achète quatre Chardin en 1852 et des expositions permettent de réhabilité ce peintre méconnu. Les peintres comptent parmi les collectionneurs de natures mortes de l’artiste et certains s’en inspirent jusqu’à les pasticher. François Bonvin (1817-1887), pour lequel Fantin-Latour a une grande admiration, et Adolphe Cals (1810-1880) sont pour beaucoup dans cette renaissance de la nature morte qui va de pair avec une redécouverte de l’art flamand et hollandais.
La nature morte de Victoria Dubourg, datée de 1884, s’éloigne de Fantin et de la tradition française et se trouve en lien direct avec le XVIIe siècle hollandais. Le brillant de la bouilloire en cuivre, le pot de terre et la tomate, la texture lourde et souple du linge, la qualité tactile du chou-fleur rappellent Willem Kalf (1619-1693) avec, en plus, la branche de céleri qui trace la diagonale vers l’extérieur du champs de la toile. Elle utilise une plus grande variété d’objets que son mari et son choix est moins sophistiqué. A l’opposé des natures mortes de fleurs plus luxueuses, elle montre des objets « pauvres », usuels sur la table en bois de la cuisine, des ustensiles et des objets de ménages. Elle élimine toute anecdote : son travail est une réflexion intimiste sur la beauté des matériaux, leurs interférences par le biais des reflets, de la lumière et des lignes : arabesques baroques des feuilles de choux, des branches de céleri, raideur du pot de terre vernissée, de la bouilloire. Les couleurs, appliquées selon une technique traditionnelle, s’opposent également : les tons cuivrés et bruns avec les verts des légumes, le blanc du linge et du chou, la note plus vive des tomates ; les clairs et sombres se répondent dans une harmonie judicieuse sur un fond neutre, rapidement brossé d’un ton chaud, brun roussi. Cette composition relativement chargée est représentative de l’œuvre de nombre de peintres de natures mortes actifs pendant la seconde moitié du XIXe siècle, maintenant vivante une tradition picturale, face à l’évolution rapide des mouvements artistiques contemporains.
Avec son époux, elle est certainement l’un des peintres les plus représentatifs de la peinture de nature morte au XIXe siècle, dans la tradition de Chardin qui, dédaignée par les néoclassiques, est remise à l’honneur après 1850.

Un autre regard

  • La nature morte et la peinture de genre au XIXe siècle

    C’est seulement au XIXe siècle que le terme « peinture de genre » prend son sens actuel concernant une catégorie picturale inspirée de scènes prises sur le vif et de sujets reflétant le spectacle de la culture et des mœurs.

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