La Baie de Savone

Georges William THORNLEY
vers 1880
28,3 x 45,6 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (n°1545 de l'Inventaire après décès)

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Ami de Claude Monet, Edgard Degas et Camille Pissarro, William Thornley est surtout connu pour avoir traduit leurs œuvres en lithographie. On lui doit en effet un recueil de Quinze Lithographies d’après Degas, paru en 1889-1890 chez Boussod-Valadon et un portfolio de vingt planches en couleurs d’après Monet, édité vers 1890 par J. Mancini à Paris. Mais cet artiste français d’origine britannique est aussi un remarquable peintre de paysages et un aquarelliste dont la production est fortement influencée par ses aînés impressionnistes. « Beaucoup de ses paysages sont établis à la manière de Monet, la parenté est surtout visible lorsque monsieur Thornley s’attaque aux aspects de falaises et de vagues à Varangeville, de Dieppe ou aux pierres d’Antibes évanouies dans la lumière », note le critique du Journal, lorsque l’artiste expose en 1899 chez Georges Petit[1]. Car s’il réside et peint à Osny et Pontoise dans la région parisienne, Thornley est avant tout un artiste voyageur qui sillonne la Normandie, la Bretagne, les Alpes ou la Côte-d’Azur à la recherche de paysages pittoresques. Il fait aussi quelques incursions à l’étranger, en Hollande, en Belgique et en Italie. L’aquarelle, apprise au contact d’Eugène Cicéri et avec laquelle il débute au Salon dès 1878, lui offre cette rapidité de notation et cette fraîcheur de tons, indispensables pour capter rapidement les variations de lumière sur le motif. Nécessitant peu de matériel, cette technique se prête bien aux conditions du voyage. Cette aquarelle, dont le site est identifié au verso, représente la baie de Savone, en Ligurie, sur la côte méditerranéenne au nord de Gênes. Une langue de terre aux tons brun-violet occupe l’horizon, séparant en deux parts inégales la composition. Le ciel moutonnant est traité à grand renfort de touches de bleu liquide laissant voir en réserve la vapeur des nuages, quand les eaux paisibles accueillent, sur fond de touches horizontales de bleu et de brun, de fins coups de pinceau chargés de gouache blanche. Une rade de terre, avec ses rochers, ses quelques voiles et ses rares personnages, est soulignée de traits de plume et d’encre brune, comme pour ancrer solidement le paysage dans l’espace. L’artiste a su capter en peu de touches la fluidité de l’air et la brillance des reflets avec une science qui sera louée par les critiques. « L’atmosphère a la délicatesse qu’elle a dans les pays de septentrion, à qui les vapeurs éternellement suspendues tissent une parure de lumière perpétuellement décomposée », note Félicien Fagus, parlant de ses aquarelles de Normandie[2]. Si cette feuille a été faite sous la lumière d’Italie, elle n’en offre pas moins les mêmes qualités. Geneviève Roche-Bernard, responsable du musée consacré à William Thornley à Osny, propose de voir dans cette aquarelle de grand format une œuvre exécutée lors du premier voyage de l’artiste en Italie en octobre 1880. Ce musée conserve en effet un carnet de voyage qui s’ouvre par des dessins faits à La Farlède, sur la côte varoise, le 23 octobre 1880, et se poursuit ainsi à Cannes, puis à San Remo pour se terminer à Savone. Il est vraisemblable que Thornley n’a pas exécuté cette grande feuille sur le motif mais peut-être à son retour, à partir de notations sur le vif au crayon graphite et à la craie. La signature à la plume et à l’encre brune est compatible avec cette date précoce. Cette belle feuille, entrée au musée en 1914, figurait dans la chambre de Mme Mesnard, seconde épouse de Léonce Mesnard, et fait partie des rares dessins, avec les feuilles d’Henri Daras et Anatole Vély , de la main d’un artiste contemporain figurant dans cette collection.


[1] Cité dans Sophie Monneret,_ L’Impressionnisme et son époque. Dictionnaire international illustré_, Paris, Robert Laffont, 1987, t. 1, p. 945.
[2] Félicien Fagus, « Petite Gazette d’art : tableaux et aquarelles de William Thornley », La Revue blanche, t. XIX, mai 1889, p. 310.

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